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Les moulins
Septembre 2020
La seigneurie de la Porte-Neuve, dont le manoir, attesté dès le XVe siècle, est en Riec, s’étendait aussi sur plusieurs villages et manoirs de Moëlan. Parmi ceux-ci, les manoirs de Kerimel et de la Villeneuve, dont dépendaient un moulin à vent et un moulin à eau. Un autre moulin à vent, le Roziou, aurait également appartenu au seigneur de la Porte neuve.
A partir de 1875, l’histoire du moulin à vent de Chef-du-bois est liée à celle du moulin à eau de la Villeneuve.
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Un moulin à vent, appelé Le Roziou, est attesté, dès 1467 comme ayant appartenu en 1475 à Gueguen Le Henanff puis à de Guer (1), seigneur de la Porte-Neuve. En 1508, un chemin y conduit depuis Kerhérou. (Chemin de K/hezrou au Moulin du Rosiou ) (2).
En 1832, il n’en reste aucune trace, sinon peut-être le nom de quelques parcelles dépendant du village de Kerhérou, Mes ar vilin, sur R 1034 à R 1037, en bordure du chemin allant de Kerhérou à Kerguip, à une altitude d'environ 41 m..
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Ce moulin est attesté dès 1539 (Moulin à vent du manoir de Keremel) (3), et aussi en 1575 et 1619. (4)
Le 6 août 1680, lors de la déclaration des biens et héritages pour le papier terrier de la juridiction de Quimperlé, le petit-fils de Charles de Guer, Alain de Guer (1638-1702), prêtre recteur de Riec, marquis de Pont-Callec, seigneur de la Porte-Neuve, de Kerimel et autres lieux, déclare le manoir et lieu noble de Kerimel et de Coatraoul…plus le moulin à vent dudit lieu de Kerimel audit Moëlan possédé à titre de ferme par Yves Le Dren pour en payer par an soixante et dix-huit livres de ferme.
Cette somme est assez élevée, ce qui fait penser que le moulin de Kerimel était un moulin relativement important.
Yves Le Dren (1650-1730), fut plus tard meunier au moulin neuf de Kervéligen, où il décéda.
En 1707, le meunier en est Jan Bréchart, marié à Marie Galguen.
Les domaniers sont assujettis à la suite du moulin de Kerimel.
La famille de Guer va posséder la terre de Kerimel jusqu’à la fin du XVIIIe siècle (5). Le moulin est alors connu sous le nom de « Moulin de la Porteneuve ». (6)
Il existe à Kerimel une ancienne « grange à dîme ». Celle-ci permettait, du temps de l’Ancien Régime, d’entreposer les impôts en céréales (froment et avoine essentiellement à Moëlan) collectés en faveur de l’Eglise. Le moulin voisin était-il utilisé pour moudre cette dîme ?
A gauche, la grange à dîme de Kerimel.
Le dernier représentant de la famille de Guer lègue ses biens à son filleul et fils adoptif le vicomte Armand de Bruc-Malestroit (1791-1853). En 1832 Armand de Bruc est encore propriétaire de quelques grandes parcelles, d’autres sont appelées « Parc ar Bruc » (champ de Bruc).
Le domaine de Kerimel a appartenu plus tard à la famille Tonnerre, puis fut partagée : Kerimel à la famille Colin, Kerantouz (Coatraoul) à la famille Bourhis. (7)
Où était situé le moulin à vent de Kerimel ?
Pierre Hollocou et Jean-Yves Plourin ont relevé : Près du chemyn qui mesne de Kemperellé à Doellan et dès 1539, un moulin à vent est attesté dans le voisinage du manoir.
Extrait de la section E2
Sur l’état des sections du cadastre de 1832, pas de parcelle s’appelant milin avel, ni vilin avel. En revanche, dans l’ouest de Kerantouz, plusieurs parcelles [E 1461 à E 1464], situées à environ 54 m de hauteur, point le plus élevé du domaine de Kerimel, se nomment corn ar braou (coin ou emplacement des meules, des broyeurs).
Sur les plans cadastraux, les moulins à vent étaient souvent choisis pour servir de repères aux opérations de triangulation. Un tel repère, matérialisé par un petit drapeau, figure bien à l’angle des parcelles E 1433, 1434 et 1465, appelées corn ar braou. Mais il est en pointillés, et n’a pas la couleur bleue habituelle de ces signaux. En outre, il n’a pas de nom.
Il est vraisemblable que le moulin à vent n’existait plus depuis un moment déjà. Ses meules auraient sans doute subsisté, d’où le nom donné aux parcelles.
Emplacement possible de l’ancien moulin à vent de Kerimel (photo Géoportail- 1950-1965)
Les pierres de meules étaient, pour certaines d’entre elles, originaires de Champagne. Elles étaient de meilleure qualité que le granit breton pour moudre le grain grâce à leurs petites anfractuosités naturelles. (8)
Qu’est-ce qu’une pierre meulière (du latin « molere », moudre, mettre en poudre au moyen d’un moulin.) ? Une « meulière » est une roche sédimentaire siliceuse utilisée jusqu'aux environs des années 1880 pour fabriquer des meules à grains, d'où son nom. Il existe de nombreux gisements de meulière aux alentours de Paris, depuis la Normandie jusqu’à la Champagne.
Les meules étaient souvent composites, c’est-à-dire fabriquées à partir de plusieurs blocs, carreaux, de duretés différentes, assemblés par un mortier et cerclées de fer. Il sera placé deux meules de pierres de meulière, de 7 piés [2,27 m] de diamètre et 14 pouces [35,5 cm] d’épaisseur chacune. Elles seront composées de plusieurs quartiers de pierre jointes ensemble avec de bon plâtre, ainsi qu’il est d’usage en Bretagne… (9)
Meule composite du moulin de Kercousquet (Clohars-Carnoët) (Origine des pierres : La Ferté-sous-Jouarre, Seine et Marne) |
Les meules pouvaient aussi être faites sur place, avec de la pierre locale (granite, schiste), leur diamètre dépassant parfois 2 mètres. Alors, il arrivait que la construction des murs du moulin se fît autour des meules, postérieurement à la confection de celles-ci. (voir moulin l'Abbé)
Les pierres meulières pouvaient être fournies par un revendeur local, comme celui de Quimperlé.
L'Echo de Bretagne, 24 juin 1909
Un piqueur de meules |
Mains d’un meunier avec les éclats d’acier des marteaux à piquer la meule |
Dans une paire de meules, seule celle du dessus travaille. On l’appelle la Rederez. Celle de dessous est appelée la Gaderez… Le meunier doit régler l'intervalle entre les deux meules pour obtenir une bonne finesse et une bonne qualité de farine. (10)
Les meules étaient enfermées dans un coffre.
Coffres des meules du Moulin Lescoat (1340-1976), en Riec/Bélon
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La chaussée du moulin est située sur le tiers inférieur du petit cours d’eau qui prend sa source à Mescléo, traverse les landes et pâtures de Kermoulin et de Kerchiminer, se creuse une vallée à la Villeneuve et Kerampellan, baigne les zones humides du vallon de Saint-Thamec, puis se jette dans l’anse de Portec Le ruisseau est jalonné de fontaines (feunteun), attestées par les noms de parcelles du cadastre napoléonien : Goas ar feunteun à Mescléo, Parc ar feunteun à la Villeneuve, Prat ar feunteun à Saint-Thamec… Ces fontaines servaient souvent de lavoirs.
Une des nombreuses sources alimentant le ruisseau à la Villeneuve. Source-lavoir encore en service, en amont du village de la Villeneuve
Le moulin (attesté dès 1473) (11), dépendait du manoir de la Villeneuve, ayant appartenu au XVè siècle à Jehan de Cornouaille, seigneur du Hénant et de la Villeneuve, puis propriété de la famille de Guer.
Le 10 novembre 1680, noble homme Louis Moustel, seigneur de la Villeneuve fait l’aveu pour dame Jeanne Sallou (petite-fille de Charles de Guer) du lieu et manoir noble de la Villeneuve en la paroisse de Moëlan avec toutes ses appartenances et dépendances […et] le moulin à eau à présent ruiné [G2-1268] situé dans l'enclos des terres dudit manoir.
Il est permis de s’interroger au sujet de l’expression à présent ruiné. En effet, dans le même aveu, les domaniers des divers villages déclarés sont assujettis à la suite du moulin du manoir de la Villeneuve. Il devait donc bien être toujours en activité. De toutes façons, des travaux d’entretien et de restauration furent entrepris par la suite, car le moulin fonctionnera jusqu’en 1890.
En 1729, La Villeneuve appartient à Jeanne Dondel (1684-1755), de Quimper, veuve de Noël de Kermellec. Le moulin est loué 20 livres, (presque 4 fois moins que le moulin de Kerimel).
En 1748, le meunier en est Christophe Cohen (1719-1748) marié à Jeanne Le Pennec (1712). Elle est la veuve d’un autre meunier, de Moulin l’Abbé, Roch Colin.
De 1750 à 1785, plusieurs familles de meuniers s’y succèdent : Thomas Le Cotonnec (1713-1753) et Barbe Levenou (1706-1770), Michel Mouzer (1731-1788) et Anne Dagorn (1730-1754), puis Marie-Françoise Henry (vers 1713-1789), Yves Lolichon (1741-1787) et Anne Le Marec (1748-1825), Charles Evennou (1755-1812) et Catherine Le Marec (1757).
Les propriétaires en sont alors (de 1782 à 1784) Antoine-Agathe Billoart-Dessales, écuyer, et sa femme Jacquette Goueznou.
En 1823, Charles Joachim Du Boisguéhenneuc vend le moulin à Marie Flohic (1768-1847), veuve de Louis Malcoste (1761-1818).
En 1832, sa valeur imposable, modeste, (45 francs) le fait entrer dans la catégorie des « petits » moulins. Il n’y a pas d’habitation au moulin. La famille Malcoste, habite au village à côté, Kerampellan.
Extrait cadastre napoléonien, section G2
De 1858 à 1875, ce sont les enfants de Louis Malcoste, Yves et Marie-Louise, qui sont les propriétaires du moulin, ainsi que le mari de sa petite-fille, Etienne Even (1810-). La famille Even habite à Kerandréo.
A partir de 1875, l’histoire du moulin de la Villeneuve est liée à celle du moulin à vent de Chef-du-bois, construit en 1849 par Yves Le Mestric (1802-1864).
Les familles Even et Le Mestric, liées par un double mariage, sont propriétaires des deux moulins. En 1859, Mathurin Le Mestric (1825-1899), fils d’Yves, avait épousé Jeanne-Louise Even (1842-1918), fille d’Etienne.
Il est propriétaire du moulin de la Villeneuve de 1875 à 1890, année de la démolition du moulin.
En 2020, une impasse portant le nom de roz-vilin (coteau du moulin) mène au sud du village de la Villeneuve, en surplomb du ruisseau. Ensuite, à travers la végétation, une sente pentue débouche sur ce qui fut l’ancienne chaussée du moulin, dont quelques blocs de micaschiste subsistent encore. Le lit du cours d’eau est alors en légère déclivité, ce qui devait suffire à produire la force motrice nécessaire à la roue du moulin, situé juste en aval, mais dont on peine à imaginer la présence, aussi modeste fût-il.
La retenue d’eau en amont est désormais comblée, la nature y ayant repris ses droits. D’anciens poteaux en béton témoignent d’une ancienne clôture, délimitant une parcelle qui pourrait être celle de l’ancienne retenue.
Rive droite, une source à proximité a servi autrefois de lavoir. Mousses, fougères et plantes aquatiques y prolifèrent.
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Un moulin à vent est signalé à Chef-du-bois en 1667. Le toponyme Kermoulin Chefdubois a également été relevé en 1780 près de l’actuel village de Kercarn. (12)
Mais en 1832 il n’y a plus de trace de cet ancien moulin, même pas dans les noms des parcelles.
En 1849, Yves Le Mestric (1802-1864), cultivateur, qui habite à Chef-du-bois, fait construire un moulin à vent sur un des points les plus élevés, au sud du village (37 m), pas très loin de l’ancien signal Penhoat du cadastre napoléonien, sur la parcelle K 261. Pendant une cinquantaine d’années, le moulin va rester dans la même famille. En 1851, Michel Josse, un valet meunier, habite avec la famille.
En 1871, le fils d’Yves, Mathurin (1825-1899) est le propriétaire du moulin. Il a épousé la fille d’Etienne Even, de Kérandréo, propriétaire du moulin de la Villeneuve en 1859.
Le fils d’Etienne Even, Corentin (1835-1903), a épousé la sœur de Mathurin Le Mestric en 1856…
En 1882, le moulin de Chef du bois est la propriété de Corentin Even. Son gendre, Yves Le Bourhis, marié à sa fille Marie Joséphine, est meunier à Chef du bois en 1887. Puis le moulin est affermé à Martial Marie Hervé (1848-1890) et sa femme Jeanne-Louise Bobinec (1841-). Les deux filles de Corentin Even, Marie-Louise, épouse Calvar et Marie-Anne, épouse Péron, héritent ensuite du moulin. La valeur imposable du moulin (120 francs) est alors la plus élevée des moulins à vent de Moëlan, soit le double, voire le triple de celle des autres moulins à vent. C’est donc un moulin important.
Enfin, de 1896 à 1901, c’est la petite-fille d’Yves Le Mestric et d’Etienne Even, Jeanne-Louise Le Mestric (1875-1956), épouse Robet, qui en est la propriétaire. Le moulin sera démoli en 1901.
Jeanne-Louise Le Mestric (1875-1956)
En 2020, une rue en impasse au milieu du village de Chef-du-bois, porte le nom de Rue park ar vilin avel (rue du champ du moulin à vent). Dans son prolongement, un chemin serpente à travers champs, gagnant l’emplacement de l’ancien moulin, sur les hauts jardins et champs bordés de haies de cyprès coupe-vent.
Beaucoup ignorent l’existence de l’ancien moulin.
Moulin de La Villeneuve - G 1268 |
Moulin de Chef du bois - K 261 |
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1823 |
Flohic Marie (veuve Malcoste Louis) | ||
1849 |
Le Mestric Yves Joseph Marie et Lolichon Marie Anne (construction neuve) | ||
1858 |
Even Etienne, Malcoste Marie Louise, Malcoste Yves | ||
1864 |
Donation-partage en indivis aux 4 enfants Mestric | ||
Marie Anne Le Mestric vend sa part à Charles Le Mestric | |||
1875 |
Le Mestric Mathurin, fils de Yves et beau-frère de Corentin Even | ||
1880 |
Even Corentin et Josèphe Le Mestric rachètent les parts de Yves et Charles Le Mestric | ||
1882 |
Le Mestric Mathurin | Even Corentin, arrière-petit-fils de Louis Malcoste, beau-frère de Mathurin Le Mestric | |
1890 |
Le Mestric Mathurin (démolition) | ||
1894-1895 |
Calvar François, gendre de Corentin Even, Peron Pierre, veuve, née Even Marie-Anne, fille de Corentin Even | ||
1895-1896 |
Le Mestric Mathurin | ||
1896-1901 |
Le Mestric Jeanne Louise, petite-fille d'Yves Le Mestric et d'Etienne Even (démolition en 1901) |
(1) Meuric-Philippon, Gabrielle, Moëlan en Cornouaille, 1975, p. 122.
(2) Hollocou, Pierre, Plourin, Jean-Yves, De Quimperlé au port de Pont-Aven entre Isole-Laïta et Aven Les noms de famille et leur histoire Quimper, Emgleo Breiz, 2010, p. 242.
(3) Hollocou, Pierre, Plourin, Jean-Yves, op.cit, p. 221.
(4) Meuric-Philippon, Gabrielle, op.cit, p. 122.
(5) Id, p. 92.
(6) Déclaration des héritages de Jeanne de Kerméno, douairière de la Porte-Neuve, veuve de Guer (6 août 1678).
(7) Meuric-Philippon, Gabrielle, op.cit, p. 93.
(8) Le Golvan, Raymond, https://www.paysan-breton.fr/2016/01/un-moulin-pour-raconter-2-000-ans-dhistoire.html
(9) Etats de Bretagne. Adjud. 24 octobre 1767, Belle-Ile.
(10) http://lezart.free.fr/moulin4.htm
(11) Hollocou, Pierre, Plourin, Jean-Yves, op.cit, p. 226.
(12) Hollocou, Pierre, Plourin, Jean-Yves, op.cit, p. 228.