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Les lieux-dits de Moëlan
12 aôut 1926 (Le Citoyen)
La fête inaugurale de Kerfany-les-Pins
Kerfany-les-Pins, plage délicieuse et site charmant, blotti là-bas à l'autre bout de la commune de Moëlan, face à l'immense océan, à l'embouchure du Bélon, était dimanche en fête.
C'était le jour de l'inauguration de ce coin si riant et si coquet qu'on a déjà dénommé, à juste titre, la "Perle de Cornouaille".
Les amis des "créateurs" de ce nouveau petit paradis terrestre étaient venus nombreux au rendez-vous. On célébra donc brillamment l'endroit et ceux qui l'avaient si parfaitement organisé.
Les invités arrivent vers 10 heures. Ils sont fort aimablement reçus par Mmes Harel et Guichet, et par MM. [Adrien] Gouguenheim, Harel, Guichet et Blondeau, qui savent très bien faire les choses.
L'inauguration du square Botrel n'étant fixée qu'à 11 h. 1/2, les invités, après la réception, font une petite promenade dans les bois qui bordent la rivière, le long de la corniche, qui surplombe la falaise et suit sa sinuosité, et sur la plage d'où l'oeil découvre un splendide panorama : Port-Manech, d'un côté, et, au large, les Iles Glénan.
Mais voici que le cor de chasse retentit. La foule, qui grossit peu à peu, vient se masser à côté de la falaise, au nouveau square Botrel, autour d'un magnifique parterre de fleurs.
Mme Botrel est présente avec ses deux enfants, ainsi que les reines du Bélon et des Ajoncs d'Or, les bardes Jaffrennou et Cueff, les créateurs de Kerfany et de nombreux amis.
Les frères Brochard, de Paris, jouent la Paimpolaise. Le barde Cueff chante La Cruelle Berceuse, de Théodore Botrel.
Puis M. Fournis, président du comité de l'érection du monument Th. Botrel, à Pont-Aven, prononce une allocution où il retrace la vie de Botrel et associe, dans le même hommage, le nom du barde regretté et celui du grand poète Brizeux. Il termine en exprimant tous ses remerciements aux fondateurs de Kerfany d'avoir donné aux deux plus belles places de cette plage qui aura un jour prochain sa célébrité les noms de Brizeux et de Botrel.
Mlle Pérennou, reine du Bélon, remet ensuite une belle gerbe de fleurs à Mme Botrel qui, émue et très touchée, lui donne cordialement l'accolade, cependant que la foule applaudit chaleureusement.
A l'issue de cette touchante cérémonie, on se dirige vers l'hostellerie Mélanie Rouat, où va être servi le banquet. L'établissement a bel aspect. Sa construction rappelle le genre de "Ty-Breiz" à l'exposition des arts décoratifs.
Les convives sont particulièrement nombreux. On en compte au moins 500. Des tables supplémentaires doivent être dressées à la hâte aux abords de l'hôtel.
Dans la grande salle réservée aux invités on remarque la présence de Mme Botrel, de ses enfants, de la Reine des Reines de Cornouaille, des reines de Riec-sur-Bélon, Pont-Aven et Quimperlé et de nombreuses notabilités de l'arrondissement de Quimperlé et de Lorient.
Le menu est excellent. Il est digne du cordon bleu qu'est Mme Rouat.
Au champagne, M. Jaffrennou (Taldir) [1879-1956] complimente les fondateurs de Kerfany, évoque le souvenir de Brizeux et de Botrel et souhaite à Kerfany un avenir fait de succès et de renommée et qui fasse encore mieux connaître et aimer notre chère Bretagne. Puis il remet au nom des organisateurs de la fête une gerbe de fleurs à la Reine des Reines de Cornouaille. M. Jaffrennou est très applaudi.
M. le docteur Cotonnec, d'Hennebont, dit tout le plaisir qu'il éprouve de se trouver à cette fête inaugurale et célèbre Kerfany, l'Arcachon breton, terre de beauté et de santé.
M. V. Harel, l'un des fondateurs de Kerfany, prend ensuite la parole pour remercier tous ceux qui, par leur concours dévoué, ont aidé à faire de Kerfany la belle plage qu'elle est aujourd'hui et à assurer à cette journée d'inauguration et de fête tout le succès qu'elle mérite. Et ses remerciements vont d'abord à l'architecte qui a dirigé les travaux de construction de l'hôtel ; à Mme Mélanie Rouat, l'incomparable cordon bleu "qui, par son bon et large sourire, sous sa belle coiffe ailée, incarne la race des belles filles d'Avor". Il remercie ensuite la municipalité de Moëlan, Mme Botrel et toutes les personnalités présentes, les architectes qui ont conduit les travaux d'aménagement ; l'Hirondelle de Brest, et la Lyre Quimpéroise qui contribuent à rehausser l'éclat des réjouissances de la journée, et, enfin les journalistes dont le concours n'a jamais fait défaut aux fondateurs de Kerfany.
Son discours terminé, M. Harel, au nom des convives, remet un grand cordon bleu à Mme Mélanie Rouat, et l'embrasse tandis que les convives battent un double ban en l'honneur de la charmante hôtesse.
M. Gouguenheim, de Nantes, qui est également l'un des fondateurs de Kerfany, termine la série des discours. Il remercie en excellents termes les personnes qui ont répondu à son appel, ses collaborateurs, les ouvriers de la première heure, et promet de faire encore mieux pour attirer à Kerfany-les-Pins le plus de touristes possible.
On entend ensuite le barde [Emile] Cueff [1895-1952] qui, de sa voix chaude et prenante, chante "La veillée bretonne". Il est très applaudi.
La plus grande cordialité régna durant tout le banquet au cours duquel la "Lyre Quimpéroise", sous la direction de M. Roussel, l'excellent orchestre de M. Le Bourhis, les maîtres du cor de chasse, MM. Brochard, de Paris, et les binious, se sont également fait entendre et applaudir.
Les différentes réjouissances de l'après-midi obtiennent le plus vif succès.
La société sportive féminine "L'hirondelle de Brest" exécute, aux applaudissements d'une foule nombreuse, des mouvements d'ensemble. Ses pyramides, poses plastiques et danses écossaises sont aussi très remarquées.
Places Brizeux te Botrel et à différents carrefours, les danses, très suivies, règnent en maîtresses.
A la plage, les courses de natation, les courses aux canards et le concours de plongeons, pleins d'intérêt, amusent toute une multitude de spectateurs.
La gaîté est dans l'air et la fête se déroule, joyeuse, à la plus grande satisfaction de tous.
La nuit venue, des centaines d'ampoules électriques éclairent l'hostellerie. C'est une véritable féérie de lumières et de couleurs. La grande salle à manger de l'hôtel qui transformée en la circonstance, en salle de dancing où, aux sons d'un orchestre endiablé, on danse jusqu'à une heure avancée dans la nuit.
Les fondateurs de Kerfany, MM. Gouguenheim, Harel, Guichet et Blondeau, n'avaient rien oublié pour assurer à cette journée tout le succès qu'elle méritait. Ils ont admirablement réussi dans leur tâche et mérité tous les compliments.
Le 28 décembre 1927, le préfet du Finistère agréé Hippolyte le Doze (1873-1946) en qualité de garde particulier de la propriété de Kerfany-les-Pins en Moëlan (Finistère)