Territoire
Bourg et villages
FANNY STELLE (« étoile de Fanny », près de Winnipeg, province du Manitoba, Canada) et KERFANY (Moëlan, Bretagne)
1895 ; la « LUMIERE ETERNELLE » s’éteint.
La comtesse Marthe décède et, dès lors, les ennuis de l’abbé vont commencer car, les créanciers se dévoilent, avec l’espoir d’être payé car il y a une succession ; car, également, les protections dont il disposait jusque là vont se distendre puis disparaître! Mais l’abbé est intelligent ! Il hérite de certains biens légués par la comtesse et, voyant que son avenir s’assombri, il les protège en les léguant à sa sœur Anne-Marie.
En 1897-1898, les dettes s’accumulent ; les héritiers, (le frère et la sœur de la comtesse), portent plainte, les créanciers aussi ; la justice décide, en 1899, de vendre le domaine de Rueil. C’est sans- doute à la même époque que l’ensemble de Kerfanny, en Bretagne sera vendu. Tout cela se fera sans l’abbé qui disparaît rapidement (une fuite préparée ; on le verra plus loin.) Il a raison car on s’aperçoit que les sommes dues sont supérieures à la valeur des biens et que la vie au pensionnat n’était pas celle vantée sur cette publicité : « La comtesse d’Albufera a fondé à la Malmaison un couvent où les jeunes filles étrangères qui désirent terminer leur éducation par l’étude de la langue et des arts français trouvent un séjour délicieux, confortable, où les meilleurs professeurs sont attachés à la maison. Les cours sont complétés par des leçons faites aux musées, dans les monuments et par l’assistance aux grandes auditions musicales de Paris. »
La réalité est toute autre ; les pensionnaires, environ 50, ne sont pas étrangers, ils travaillent un peu, n’ont pas de professeurs et sont plutôt oisifs. D’ailleurs, c’est une fille Rosenberg qui dirige le pensionnat ; l’abbé s’occupe de l’argent et des actes notariés ; il a des projets de mariages pour les filles et d’expatriations pour les garçons.
Une vue du couvent-pensionnat de « la lumière Eternelle » ! Une partie de la propriété sera acheté en 1899 par M. Théodore Cognac ; ainsi débutera la Fondation Cognac Jay qui existe encore aujourd’hui. Cette fondation, transformera le couvent en un organisme social destiné aux employés de la Samaritaine. Ce bâtiment abrite aujourd’hui une maison de retraite.
1901 ! L’abbé est en fuite mais, si on le cherche vraiment, on peut le trouver car son père décède le 21 janvier et voici l’avis de décès :
« Monsieur l’abbé Stanislas Rosenberg, vicaire général de Monseigneur l’archevêque maronite de Chypre, chanoine prébendé de l’Eglise métropolitaine de Tours, missionnaire apostolique ; Monsieur et Madame Joseph Rosenberg ; Monsieur et Madame Pierre Rosenberg ; Madame Thérèse Rosenberg, en religion : Mère Marie-Stanislas des Ursulines de Blois ; Madame Anne Marie Rosenberg, en religion : Mère Marie Josèphe de Sainte Ursule ; Mademoiselle Gertrude Rosenberg ; Mademoiselle Madeleine Rosenberg ; Mademoiselle Catherine Rosenberg ; Monsieur et Madame Louis Virey ; Monsieur Henri Rosenberg ; Mademoiselle Mathilde Rosenberg ; Madame RIVES ; ……….Ont l’honneur de vous faire part de la perte douloureuse qu’ils viennent d’éprouver en la personne de Monsieur Louis Rosenberg, décédé le 21 janvier 1901 dans sa 80e année.
(On remarque la présence d’une dame RIVES ; qui pourrait être la mère de Fanny ou une soeur).
Privé de sa protectrice, de ses maisons à Rueil et d’argent, l’abbé cherche un moyen de continuer la « grande vie » !
Bien entendu il trouve !
En cette fin du 19e siècle, le divorce n’est pas admis sur le plan religieux, sauf accord du Vatican, un accord très aléatoire mais que l’abbé se fait fort d’obtenir, compte tenu de ses relations et, bien entendu, moyennant finances. En réalité ses relations sont des « comparses » qui joueront la farce d’une cérémonie où il y aura un « monsignor », censé venir de Rome et d’autres figurants censés être de nobles religieux.
« Nous primat d’Orient, évêque par la grâce du Saint Siège et par bref spécial de sa béatitude l’évêque d’Orient, disons que l’instance introduite par Madame..X.., à l’occasion de sa demande de nullité de mariage, est venue devant notre tribunal. Signons le présent pour servir ce que de droit. Pour le Primat d’Orient, le secrétaire :….illisible. »
De nombreuses femmes tomberont dans le piège et quand elles doutent, l’abbé, très arrangeant, réduit les coûts ; elles paient, reçoivent un parchemin superbement encadré, signé et couvert de sceaux…Faux bien sûr !
Il y aura aussi l’argent confié pour fructifier et qui sera transformé en prêts à durées infinies ! L’abbé tombe dans la petite escroquerie ! Il vit chez des amis ; on le trouve en 1902 dans un hôtel près de l’Opéra mais il doit fuir ! Il part pour Ableiges près de Pontoise et se présente sous un faux nom : « Je suis canadien, français ; je m’appelle Montrose et vis de mes rentes. Je possède au Canada des fermes immenses ! ».
Mais la justice suit son cours et le retrouve encore ! Perquisitions ! Journalistes ! De longs articles de journaux dévoilent enfin ses escroqueries et en 1918, pour de nouvelles, dont voici le détail :
-Fausses signatures auprès d’un notaire
-Utiliser un faux nom
-Se faire faire un crédit imaginaire
-Escroquerie à l’assurance (+ de 8000F)
-Dettes auprès d’un entrepreneur
Il est condamné à 2 ans de prison et à une amende. Deux mois plus tard, le Président de la République (Raymond Poincaré) réduit sa peine à 1 an ; pourquoi ??
A partir de ce procès, on perd sa trace ! Il n’est, ni dans le caveau familial des Rosenberg à Montparnasse, ni à Fannystelle au Canada ; alors où ? En enfer ou au purgatoire ?
Cette histoire qui donne, avec preuves, l’origine du nom de cette partie de Moëlan sur mer, montre qu’il y a très souvent des liens entre la petite histoire locale, l’Histoire officielle nationale, et, dans ce cas particulier, internationale.
Jean-Paul Morvan ; 20 octobre 2006
Sources :
« Balade à Kerfany les pins ». Jean-Paul Morvan ; imprimerie Régionale à Bannalec.
Bulletins n°28 et 29 de la Société historique de Rueil-Malmaison (dossier de Mme Marie-Vignal).