Territoire
Bourg et villages
Les maisons du bourg
AE-177 - C-1449 et AE-179 - C-1450
Maisons sur parcelle C-1449 et C-1450 (ancien cadastre), actuellement AE-177 et AE-179.
6 et 8, Place du Vieux Marché
Cadastre napoléonien, section C2, bourg (extrait)
Sur le plan cadastral de 1833, deux maisons mitoyennes ainsi qu’une crèche appelée Craou ar zaout (étable) ouvrant au nord, situées sur les parcelles C 1449 et C 1450, se partagent le même grand jardin, d’une superficie d’environ 200 m². Il s’agit de la propriété de Louis Evanno (1797-1847), avoué à Quimperlé. Ces édifices datent au moins du XVIIIe siècle. Comment ce notable de Quimperlé est-il entré en possession de ces maisons ? Un bien de famille ? Un placement immobilier ? Toujours est-il que les deux maisons vont connaître une succession de propriétaires en l’espace d’une dizaine d’années.
Louis Evanno vend sa propriété en 1835* à Jean Michel de La Boixière, commis de la presse à sardines de Brigneau où il habite ; celui-ci met donc ses maisons en location : en 1836, la famille de Martial Mahé (1784-1854), menuisier, occupe la maison sur C 1450. Deux familles occupent l’autre maison : celle de Paterne Couliou (1805-1868), alors garçon-meunier, son épouse Marie Perrine Filoury (1803-1842), crêpière, ainsi que leurs enfants, et la famille de Martial Laviche (1773-1842), boucher, avec sa fille, Marie Michelle (1815-1869), tailleuse.
Les maisons sont à nouveau vendues. En 1839 * elles appartiennent à René Berthou, cabaretier, qui, à son tour, va mettre en location les logements des maisons. Il signe un bail à Pierre Caëric, sacristain, en août 1939. Le menuisier Martial Mahé est toujours locataire, ainsi qu’une fileuse et une tailleuse.
Enfin, la propriété est vendue à un sabotier, Joseph Sturgeon (1819-1892) originaire de Clohars-Carnoët, et son épouse, Marie Jeanne Kermagoret (1815-1892). (1)
Le couple va y habiter pendant une quarantaine d’années tout en continuant à louer leurs divers logements. Quelques locataires y resteront plusieurs années, dont Paterne Couliou, successivement garçon-meunier, journalier, puis domestique, Martial Mahé, menuisier, Pierre Cadoret, journalier.
Les maisons sont des chaumières, au moins jusqu’en 1866. En effet, cette année-là, on peut citer un procès-verbal de justice de paix condamnant Joseph Sturgeon à un franc d’amende, pour avoir fait des réparations sur les toitures des maisons couvertes en paille, et ce, contrairement à l'arrêté municipal de la commune de Moëlan en date du huit janvier mil huit cent quarante-six, qui défend très expressément de faire des réparations aux toitures des maisons couvertes en paille, au bourg de Moëlan. [justice de paix 1866-224].
Les pressions administratives étaient importantes pour pousser à l’abandon du chaume en raison des risques d’incendie. L’ardoise remplacera peu à peu les couvertures végétales.
Lors d’une donation-partage en 1883 [B 1883-194], la propriété est scindée en deux. La maison sur C 1449 est attribuée à Marie Jeanne Sturgeon (1845-1886), épouse de Pierre Louis Pendéliou (1840-1892), cultivateurs, et celle sur C 1450 revient à Marie Julienne Sturgeon (1859-1934), dont le mari, Guillaume Le Floc’h (1850-1914) est gendarme à Rosporden.
Le couple Sturgeon décrit ainsi la propriété :
Premier lot, correspondant à la maison sur C 1449 (AE-177) :
- Art. 1er Une maison couverte en ardoises nommée An thy névez (la maison neuve), ouvrant aux midi et levant, ayant son pignon au midi et la mitoyenneté de celui du nord, avec en plus l'appentis d'attache à la costière couchant de ladite maison.
- Art. 2e La moitié à être prise, côté du midi, dans un petit jardin au couchant de la maison An thy Névez, donnant des nord sur l'autre moitié, contenant sous fonds ladite moitié un are vingt-centiares.
Second lot correspondant à la maison sur C 1450 (AE-179) :
- Art. 1er Une maison couverte en ardoises nommée An thy couz (la vieille maison), ouvrant au levant, ayant son pignon à cheminée au nord et la mitoyenneté de celui au midi.
- Art. 2e Une crèche nommée Craou ar zaout (ou étable), ouvrant au nord.
- Art. 3e La moitié à être prise côté du nord dans un petit jardin au couchant de Thy couz, donnant du midi sur l'autre moitié et contenant la dite moitié sous fonds un are vingt centiares.
On peut remarquer que les deux maisons sont désormais couvertes en ardoises. Des travaux de rénovation avaient-ils été effectués sur la maison C 1449, justifiant son appellation An thy nevez ?
Le couple Sturgeon se réserve l’usufruit du rez-de-chaussée de la maison C 1450, ainsi que l’étable pour la vache.
Craou ar zaout
Année |
Propriétaires - Locataires (Loc) |
Métiers |
Sources |
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1832 |
Evanno Louis (1797-1847) |
Avoué à Quimperlé |
Cadastre napoléonien |
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1835* | De la Boixière Jean Michel (1796-1855) & Coriou Marguerite (1792-1857) | Commis de presse à Brigneau | M.C.1834-1882, C. 803 | |
1836 |
Couliou Paterne (1805-1868) & Filoury Marie Perrine (1803-1842) |
Loc | Garçon meunier |
Rec. de population |
Mahé Martial (1784-1854) & Le Luc Marguerite (1779 -1846) |
Loc | Menuisier |
||
Laviche Martial (1773-1842) |
Loc | Boucher Tailleuse d’habits |
||
1839* | Berthou René (1796-1852) & Couliou Marie Hélène (1797-1848) | Cabaretier | M.C.1834-1882, C. 803 | |
1841 | Berthou René (1796-1852) & Couliou Marie Hélène (1797-1848) |
Journaliers |
Rec. de population | |
Mahé Martial (1784-1854) & Le Luc Marguerite (1779-1846) |
Loc | Menuisier | ||
Tanguy Marie Louise (1792-1866), veuve Noc | Loc | Fileuse | ||
Michel Marie Barbe (1814-1897) |
Loc | Tailleuse | ||
Caëric Pierre Julien (1794-1880 ) Caëric Anne Rose (1819 -1864 ), sa fille |
Loc | Sacristain Tailleuse |
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1846
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Sturgeon Joseph (1819-1892) & Kermagoret Marie Jeanne (1815-1892) |
Sabotier |
Rec. de population |
|
Couliou Paterne (1805-1868) & Naour Marie Jeanne (1816-1868) |
Loc | Journalier |
||
Mahé Martial (1784-1854) |
Loc | Menuisier Sabotier |
||
Cadoret Pierre (1803) & Bondé Marie Renée (1809-1861) |
Loc | Journalier | ||
1881 |
Tressard Marie Josèphe (1812-1895) |
Loc | Journalière |
Rec. de population |
Sturgeon Joseph (1819-1892) & Kermagoret Marie Jeanne (1815-1892) |
Cultivateurs |
|||
Pendeliou Pierre Louis (1840-1892) & Sturgeon Marie Jeanne (1845-1886) |
Cult. fermiers |
|||
1882- 1883 |
Sturgeon Joseph (1819-1892) & Kermagoret Marie Jeanne (1815-1892) |
Sabotier |
M.C. 763 (1) |
Maison sur C-1449 après 1883
Au décès de Marie Jeanne Sturgeon en 1886, c’est sa fille, Marie Léocadie (1874-1909), qui hérite de la maison. Elle épouse Pierre Marie Le Doze (1868-1914) en 1891. Il est marin pêcheur, elle cultivatrice ; ils habitent à Pont-Vil. Pendant plusieurs années, la maison, en indivision, va connaître une succession de locataires. En 1897, par exemple, Pierre Le Doze signe un bail à loyer à Marie Noëlle Kerouriou, journalière. En 1923, Jeanne Le Doze, (1892-1977), fille de Marie Léocadie et de Pierre Le Doze, et son mari Pierre Andrieu (1886-1933), deviennent propriétaires de la maison qui va subir des travaux de démolition en 1927*. Puis, dans une construction rénovée -ou totalement nouvelle-, Jeanne Andrieu ouvre, vers 1930, une épicerie sous l’enseigne « l’Union des Docks ».
Veuve pour la seconde fois en 1933, Jeanne Andrieu-Le Doze loue une partie de sa maison. En 1936, toujours gérante de l’épicerie, elle a pour locataires la famille de Maurice Adoue, électricien et celle de Pierre Cornou, marin dans la marine marchande. De nouveaux travaux de rénovation sont entrepris sur la maison en 1943*.
Alphonsine Nicolas (1919-2003), dite « Titine », épouse de Mathurin Parc (1914-1971) qui est menuisier, va prendre la gérance de « L'Union des docks », qui deviendra « L’Économie bretonne », puis « L’Éco », de juillet 1949 à février 1970. Elle y vend, entre autres, des produits locaux, comme le beurre de fermes alentour. Le couple Parc, locataire, occupe le rez-de-chaussée et le second étage. La maison hébergera ensuite l’établissement Le Cléac’h, entreprise de bijouterie. De nos jours, c’est l’établissement de Pompes funèbres Yvonnou.
L'Union des docks en arrière-plan |
L'entrée du magasin, vers 1950 |
Maison reconstruite en 1927* et 1943* |
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Année |
Propriétaires - Locataires (Loc) |
Métiers |
Sources |
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1883 |
Sturgeon Marie Jeanne (1845-1886) & Pendeliou Pierre Louis (1840-1892) |
Cultivateur |
Acte B 1883-194 |
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1888* |
Pendéliou Marie Léocadie (1874-1909) |
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M.C. 867 (1) |
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1891 |
Pendéliou Marie Léocadie (1874-1909) |
|
Rec de population |
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1893 |
Pendéliou Marie Léocadie (1874-1909) & Le Doze Pierre (1868-1914) |
Quartier-maître |
Acte Traonouëz 1893 |
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1895*, 1896 |
Pendéliou Marie Léocadie (1874-1909) & Le Doze Pierre (1868-1914) |
Cultivatrice à Pont-Vil |
M.C. 867 (1) Rec. de population |
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1896, 1897 |
Kerouriou Marie Noëlle (1848-1932) & Jégou Joséphine, sa fille |
Loc |
Journalière |
Rec de population, |
Labbé Guillaume |
Loc |
Retraité |
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1923 |
Le Doze Jeanne (1892-1977) & Andrieu Pierre (1886-1933) |
A Ty Poul bras |
Acte B 1923-30 M.C. 1249 (2) |
|
1931 |
Le Doze Jeanne (1892-1977) & Andrieu Pierre (1886-1933) |
Epicière |
Rec. de population |
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1936 |
Le Doze Jeanne (1892-1977) |
Epicière |
Rec. de population |
|
Adoue Maurice (1909-1972) & Corre Denise (1912-1999) |
Loc |
Electricien |
||
Cornou Pierre (1901-1952) & Jolivet Marie Josèphe (1901-1996) |
Loc |
Marin |
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1946 |
Le Doze Jeanne (1892-1977) |
Gérante |
Rec. de population |
|
Parc Mathurin (1914-1971) & Nicolas Alphonsine (1919-2003) |
Loc |
Menuisier |
||
Cornou Pierre (1901-1952) & Jolivet Marie Josèphe (1901-1996) |
Loc |
Marin pêcheur |
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Le Gall Jean (1914-1970) & Simon Joséphine (1918-2000) |
Loc |
Garçon boucher |
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1954 |
Le Doze Jeanne (1892-1977) Andrieu Charles (1927-2018), fils |
Charpentier fer |
Rec. de population |
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Parc Mathurin (1914-1971) & Nicolas Alphonsine (1919-2003) |
Loc |
Menuisier |
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Etablissement Le Cléac'h |
Bijoutier |
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Etablissement Yvonnou |
Pompes funèbres |
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Maison sur C 1450 (AE 179), après 1883
Le couple Joseph Sturgeon et Marie Jeanne Kermagoret s’est réservé l’usufruit du rez-de-chaussée de la maison C 1450, ainsi que l’étable pour leur vache. En 1891 le premier étage est occupé par une famille de cinq personnes dont le chef, Corentin Sivy, est couvreur, ainsi que par deux femmes, dont une fileuse, Marie Louise Huon. En 1896 on y recense un cantonnier originaire de Scaër, Joseph Richard, avec ses quatre enfants, dont une fille couturière, et sa belle-mère.
Après le décès de Marie Jeanne Kermagoret et Joseph Sturgeon, en 1892, leur fille et leur gendre Guillaume Le Floc’h, désormais à la retraite, viennent habiter la maison. Le premier étage va être occupé par une succession de locataires, dont plusieurs femmes seules, blanchisseuse, couturière, journalière, et ce jusqu’à 1930.
Veuve depuis 1914, Marie Julienne vend la maison en juin 1930 aux consorts Jambou : Marie (1902-1982), couturière, Félicie (1904-1982), brodeuse et Louis (1906-1983), cordonnier. Leurs parents vivent avec eux, leur père est manœuvre. C’est sans doute à cette occasion que d’importants travaux sont effectués sur la maison, que l’on rehausse d’un étage. La famille vit sous le même toit jusqu’en 1960.
La maison d’origine a été rehaussée d’un étage vraisemblablement dans les années 1930
Plusieurs documents, dont des lettres, et des échantillons de broderie, datant des années 1930 et ayant appartenu à Félicie Jambou ont été trouvés dans la dépendance de la maison.
Facture pour travaux, au nom de Mme Jambou
Dentelles faites par Félicie Jambou
En 1960, les consorts Jambou mettent fin à l’indivision de leur propriété : Marie devient l’unique propriétaire de la maison, alors que Félicie et Louis sont installés rue de Braspart, (sur C 1444) où ils ont acheté une maison en 1957*.
En 1982, Marie Jambou (1902-1982) vend la maison, se réservant expressément, sa vie durant, le droit d’usage et d’habitation, à Marc Olivier, docteur, qui la revend en 1986 à M. et Mme André Sachet. A leur tour, ils la revendent en 2015 à Marie Claude Cottu, retraitée.
De nos jours, à peine franchi le seuil de la porte d’entrée, il faut se rendre à l’évidence : le passé est bien présent. L’actuelle confortable pièce de vie doit composer avec le vieil escalier central en bois et les anciennes cheminées aux jambages de granite.
Une gravure sur l’un des corbelets interpelle : est-elle d’origine ? Que représente-t ’elle ? un symbole religieux ? On dit que la maison aurait un temps été surnommée « la maison Dieu » …
Des niches sont aménagées dans les cheminées. Elles étaient souvent au nombre de trois, l’une, derrière le foyer, servant à rassembler les braises de la nuit, et les deux autres, situées de part et d’autre de la cheminée, permettant de conserver au sec le sel, les chandelles et les allumettes. (2)
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Niche latérale de cheminée |
Au plafond, une très ancienne grande dalle de pierre, prenant appui d’une part sur le haut du manteau de la cheminée, et d’autre part sur une épaisse poutre en bois, sert de foyer à la cheminée de l’étage.
Tous ces témoins de bois et de pierre forcent le respect.
Date |
Propriétaires - Locataires (Loc) |
Métiers |
Sources |
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1891 |
Sturgeon Joseph (1819-1892) & Kermagoret Marie Jeanne (1815-1892) (usufruitiers) |
Rentier |
Rec. de population |
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Sivy Corentin (1856-1900)& Landurain Marie Françoise (1862-) |
Loc |
Couvreur d’ardoise |
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Huon Marie Louise (locataire) |
Fileuse |
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Bacon Marie Julienne (locataire) |
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1896 |
Sturgeon Marie Julienne (1859-1934) & Le Floc’h Guillaume (1850-1914) |
Brigadier retraité de la gendarmerie |
Rec. de population |
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Richard Joseph (1853-1922) |
Cantonnier |
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1901, 1906 et 1911 |
Sturgeon Marie Julienne & Le Floch Guillaume |
Retraité |
Rec. de population |
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1921 |
Sturgeon Marie Julienne |
Loc |
Blanchisseuse |
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1926 |
Sturgeon Marie Julienne |
Loc |
Journalière |
Rec. de population |
1929* |
Sturgeon Marie-Julienne, veuve Floch Guillaume |
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M.C. 572 (2) |
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1930 |
Jambou Marie Josèphe (1902-1982) |
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Acte Barbe 1930-155 |
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1931 |
Jambou Thurien (1874-) |
Manœuvre Couturière |
Rec. de population |
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1936 |
Ulliac Marie Jacquette (1872-1955) |
Repasseuse |
Rec. de population |
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1946, 1954 |
Ulliac Marie Jacquette (1872-1955) |
Repasseuse |
Rec. de population |
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1960 |
Jambou Marie Josèphe |
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Acte notarié Me Souetre, Moëlan |
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1982 |
Olivier Marc Henri Christian |
Médecin (Docteur) |
Acte notarié Me Robino , Moëlan |
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1986 |
M. et Mme Sachet André |
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Acte notarié Me Quéré, Pont-Aven |
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2015 |
Cottu Marie-Claude |
Retraitée |
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(1) Nous avons rencontré deux graphies pour ce patronyme : Sturgeon et Sturjon. Pour faciliter la lecture, nous avons fait le choix de retenir Sturgeon.
(2) Hervé Patrick, Maisons paysannes en Bretagne, Skol Vreizh, N°23, Morlaix,1991.
Matrice cadastrale (M.C.) : (1) 1882-1911 - (2) 1911-1969
Les dates suivies de l’astérisque sont celles des cases administratives (environ 2 ans après les dates réelles)