Histoire
Guerre 14-18
Guerre 14-18
François Mahé
1889-1968
La vie d’un breton mobilisé de 1914 à 1919
Une vie d’avant, une survie pendant la guerre, une vie d’après
François Mahé est un homme tranquille de 25 ans, cocher de métier. 1914, mobilisé, il se retrouve mitrailleur pendant 5 ans dans la Grande Guerre. 4 ans au front, une année sur la mer au Maroc et en Méditerranée. Notre grand-père, taiseux, en a dit peu. Nous avons tracé son parcours sur une carte. Stupéfaction : " il a fait ça ? il a été marin ? il est allé en Syrie ? on n’a pas su ! " Ses papiers militaires ont parlé pour lui. Les journaux de marches de son régiment et les journaux de bord des navires disent les événements, les hommes, les morts, les citations. Les films et les archives permettent de plaquer des images sur ses déplacements, d’imaginer le quotidien éprouvant au feu. Aujourd’hui, nous comprenons le pourquoi de ses médailles et de la légion d’honneur données à un soldat du devoir. " Mitrailleur endurant et brave, d’un dévouement absolu ". Il était guidé par une bonne étoile puisqu’il est revenu du pire. Comment se reconstruire ?
La vie d’avant
François Mahé est d’une famille de cultivateurs, pourtant il part sur la mer, marin-pêcheur, patron de pêche à Doëlan jusqu’à l’âge de 20 ans. Inscrit maritime, il peut entrer à l’École des Apprentis Mécaniciens de la Flotte à Lorient pour son service militaire. Cette formation lui servira pour être artilleur à la guerre. Après le service, il choisit son métier, celui de cocher pour l’hôtel Morren à Quimperlé, en face de la gare. C’est là qu’il entend le tocsin, le 1er août 1914.
La survie pendant la guerre
François Mahé entre dans la guerre comme fusilier marin dans l’artillerie du front de mer à Lorient. L’armée réclame alors le surplus de marins pour compléter ses bataillons décimés. Voilà notre François mitrailleur dans le 8ème bataillon des chasseurs à pied (le 8ème B. C. P), 2e compagnie de mitrailleuses du 151ème régiment d’infanterie ; un régiment d’élite au 1er plan des affrontements qui s’enchaîneront jours après jours, mois après mois.
1915 – batailles de la Marne, des Flandres avec l’Yser et Dixmude, de l’Argonne avec la 2ème bataille de Champagne. " Les hommes furent merveilleux d’entrain et d’enthousiasme, héroïques" écrit l’officier dans son journal de marches.
1916 – Verdun : février, mars, avril – " 3 mois sous un déluge de projectiles ", Douaumont, Cumière, le Mort-Homme. Citation du 8ème B. C. P à l’ordre de l’armée : " un seul officier revint avec quelques rares survivants, il a tenu jusqu’au dernier chasseur sur le Mort-Homme ".
Entre assauts et repos, l’artilleur Mahé suit des entraînements, il entretient le matériel. Les soldats œuvrent nuit et jour avant une attaque pour mettre en place la stratégie des offensives. Lui, travaille à poster les mitrailleuses sur le flanc des tranchées en protection des camarades. Les "moulins à café" et leurs munitions sont transportés à dos de cheval ou sur des voiturettes tirées par des chevaux. Ainsi, François, le cocher, aura côtoyé le cheval sur le champ de bataille. Son père, Guillaume Mahé, avait aussi connu le cheval de guerre puisqu’il était conducteur de chevaux dans le 86e d’infanterie en 1877.
1916 – septembre, offensive de la Somme. Prise de Rancourt. Il est blessé. L’armée lui octroie une permission de 7 jours pour ses 2 blessures et, vite, il retourne au combat. Fin 1916, le 8ème B. C. P est aux lisières du Bois de St-Pierre Waast " enlevant trois lignes à l’ennemi ". 21 décembre, permission de 7 jours. Noël à la maison.
- 1914 marin mobilisé au 3e dépôt de Lorient |
Fusilier marin - soldat artilleur - matelot de 1ère classe artilleur
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Le livret de solde dévoile pas à pas la compagne du marin-soldat |
Inscrit maritime "Prêté à l’armée de terre" dès 1915 151ème régiment d’infanterie |
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"Mitrailleuse sous camouflage" (coll.part.). Ci-dessus, les hommes sont relativement sous abri, pour une opération d’envergure. Le mitrailleur était plus fréquemment à découvert, le matériel masqué derrière un simple monticule de terre ou amas de pierres, protections dérisoires |
François, recrutement de Lorient 151e régiment d’infanterie |
1917 – Offensive de l’Aisne, Choléra-miette, bois de Gernicourt et bois des Fosses. Citation : " déjà blessé deux fois au cours des combats antérieurs, a marché bravement pendant la progression du 16 avril 1917. Blessé à nouveau le 18 avril 1917 au chemin des Dames ".
1917 – août, septembre, seconde bataille de Verdun. Citation : « A fait preuve de beaucoup de sang-froid et de courage. Belle attitude au feu le 8 septembre 1917 devant Verdun ».
Fin 1917, bilan lourd pour le 151e régiment, plus de 6 000 hommes tués. Avec 5 citations, le régiment d’élite a droit au port de la fourragère aux couleurs de la croix de guerre. Le 8e bataillon perd 2 281 hommes. Pour sa part, François Mahé, le survivant, s’en sort avec 3 blessures, 4 citations à l’ordre des armées, la Croix de guerre avec étoile de bronze, la médaille militaire et la médaille de Verdun. Il aura été l’artilleur de 16 batailles tristement renommées, 28 jours de permissions en 4 ans.
En 1917 c’est au tour de la Marine de réclamer de l’aide. François Mahé rejoint donc le 3e dépôt de Lorient. Il embarque sur le croiseur Lavoisier. Le 1er août 1918, il y est breveté matelot de 1ère classe, fusilier marin. C’est sur ce navire qu’il apprend l’armistice.
Armistice n’est pas démobilisation, François Mahé continue son temps de guerre sur le croiseur. Le Lavoisier patrouille au Maroc le long des côtes atlantiques où les dissidents marocains menacent la mission de Lyautey. Ensuite, route pour la Méditerranée orientale en situation géopolitique de plus en plus instable. Il aborde en Turquie, à Chypre, en Syrie, au Liban et sur les côtes égyptiennes.
1919 – Embarquement sur le Coutelas, contre-torpilleurchargé de la protection des convois en Méditerranée.
Le 15 juin 1919, François Mahé est démobilisé après 5 années au service de la France comme fusilier marin, comme soldat, à nouveau marin, au gré des besoins de la guerre. Administrativement son dossier est resté géré par la marine. Sa mère était mandataire pour toucher sa solde versée jusqu’au 31 juillet 1919, ultime jour de sa guerre.
La vie d’après
A l’arrivée à Gare la Forêt chez sa mère, c’est la joie, mais comment reconstruire une vie ? La guerre c’était une vie encadrée, pas besoin de réfléchir, toujours sur le qui-vive, juste le droit de rêver à ses métiers d’avant, à une fiancée, à ses chevaux. Le retour au pays breton c’est reprendre sa vie à zéro. Il a perdu son emploi de cocher, l’hôtel a fermé. En octobre, il concrétise un rêve en épousant Hélène Lhyver, de Carpont en Moëlan. Ensemble ils deviennent cultivateurs à Kerbrizillic, à Lan ar c’hoat et en dernier lieu à Pont-Vil où il exerce le métier de marchand de vaches. L’ancien cocher n’oublie pas de s’acheter un cheval, Margot. Ainsi, c’est à Moëlan que ce Quimperlois de naissance a posé sa nouvelle vie. Son fils Raymond Mahé sera instituteur à Kergroës, sa fille, Yvonne Le Pocher, commerçante au bourg et ses petits-enfants de purs chas-ar-vorc’h (jeunes moëlanais du centre-bourg).
Le 9 juillet 1962, il est nommé chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur, ultime reconnaissance de la nation au simple soldat héros de la Grande Guerre. Le Général de Gaulle, Président de la République, signe son brevet. Lui aussi était à Verdun en 1916.
François Mahé décède en 1968 à l’âge de 79 ans, emportant ses souvenirs d’Honneur et Patrie
La guerre maritime de François Mahé, fusilier marin
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Le Lavoisier, croiseur, côtes marocaines et Syriennes 16 canons, 2 tubes lance-torpilles |
Le Coutelas, contre-torpilleur en Méditerranée 7 canons de 47 mm, 2 tubes lance-torpilles |
La vie d’après
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5 mois après son retour de guerre, François Mahé épouse Hélène Lhyver, à Moëlan |
Le cheval dans la vie de François Mahé Margot, jument de trait breton du haras d’Hennebont |
La petite-fille de François Mahé témoigne
Mon Grand-père, " Parrain ", me racontait sa guerre. Il me citait la Marne, Dixmude, la Champagne, Verdun, Douaumont. J’étais adolescente alors ; je ne me rendais pas compte de l’héroïsme, du courage, de l’engagement d’un marin de 25 ans, devenu soldat.
Il revivait le champ de bataille. Il mimait les tirs de mitrailleuse, il se redressait soudain, reproduisait le geste en scandant " tac, tac, tac " les yeux embués de larmes.
Il se rappelait l’alcool au goût d’eau de Cologne distribué avant l’attaque.
Il était fier de ses décorations reçues en récompense de sa vaillance. Derrière ses rires et ses sourires, les événements tragiques de la guerre l’ont accompagné toute sa vie comme un cauchemar.
Nous sommes, aujourd’hui, des passeurs de mémoire pour notre Parrain et pour rendre hommage à tous ses camarades acteurs de la Grande Histoire.
Citations 1917 - 69ème division infanterie
Blessures de guerre