MEMOIRES ET PHOTOS DE MOELAN

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Moëlan - Archéologie

Long-dolmen, ou Roche-aux-Fées de Park-Biourac'h

Je profitai de la belle journée du 13 octobre pour aller dessiner et prendre mes notes sur le grand dolmen qu'on m'avait indiqué entre Port-Bélon et le village de Kermeur-Bihan, situé à deux lieues de poste environ, à l'ouest du bourg de Moëlan. Comme la route pour y arriver est difficile à suivre à cause de ses sinuosités et de la rencontre de divers autres petits chemins qui la traversent, il faut nécessairement prendre un guide pour éviter une fausse direction.

Le nom de champ Biourar, Park-Biourac'h en breton, qu'on donne au domaine sur lequel se trouve ce dolmen, se compose des mots rac'h, gale, teigne, et de biou pour piaou, qui signifie posséder. Grégoire de Rostrenen nous fait observer que ce mot n'est usité qu'au pays de Vannes (1). Riou pourrait être encore pour tiou, qui signifie les maisons.

On se rend à ce dolmen en suivant d'abord la route de Port-Bélon jusqu'au delà de la plantation de pins qui occupe la partie supérieure de la lande de Kervigodez ; puis on la quitte pour suivre une charrière à main droite, qui forme l'origine de l'espèce de chemin vicinal par lequel on arrive au village de Kermeur-Bras, qui est à une demi-lieue devant nous au N.-O. ; mais la lande finit au pied de la colline sur le flanc de lauelle se trouve ce village, et nous apercevons même d'assez loin le faîte de quelques-unes de ses maisons par-dessus les arbres qui les avoisinent.

Ce nom de Kermeur, qui signifie le grand village, même la grande ville, me fait croire qu'il aurait du moins quelque importance archéologique, et je tenais à le visiter ; mais j'ai eu le regret d'être détrompé en le traversant ; je n'y ai vu que deux à trois métairies ordinaires.

Le reste du trajet jusqu'au dolmen est difficile à cause des sinuosités de la route et son entre-croisement avec d'autres chemins de servitude : mon guide fut même obligé de la demander. On monte ici de plus en plus, en traversant un sol qui forme un contraste complet avec la grande lande de Kervigodez, par son état très boisé et sa mise en culture de toutes parts.

Après avoir franchi la crête de la colline, en suivant notre direction vers le N.-O., nous ne tardâmes pas d'apercevoir sur son versant occidental le grand orme qui signale le village de Kermeur-Bihan, voisin du dolmen : cet arbre est le doyen et le géant de tous les environs, comme si la terre, usée par le cours des siècles, ne pouvait plus engendrer maintenant des formes aussi grandes.

Un nouveau désappointement m'attendait à mon arrivée au village de Kermeur-Bihan : comme mon guide ne connaissait pas l'endroit où se trouvait le dolmen, il le demanda à un homme qui était assis à sa porte, puis à un autre ; et aucun d'eux ne le savait. Je finissais par désespérer complètement de trouver ce monument, lorsque je rencontrai une femme ; je lui fis adresser la même question par M. Keraudy. "Je ne connais point non plus ces pierres-là, répondit-elle. - Mais ces pierres sont dans un champ qu'on appelle Park-Biourac'h ; savez-vous où est ce champ ? - Oui, il n'est pas très loin. - Si vous voulez nous y conduire, voilà pour vous." (Je lui présentai une pièce de dix sous.) Tout aussitôt une expression de joie se peint sur le visage de cette femme : elle regarde les deux hommes que je quittais d'un air narquois, et nous mène au dolmen d'un pas accéléré.

Ce grand dolmen se trouve dans le champ de Biourar, nommé Park-Biourac'h (Parcelle A1-0362) en celto-breton (2), qui appartient à Pierre Guennec et à Guillaume Guilloret, auxquels j'ordonnai sa conversation, en m'appuyant de titres malheureusement trop fragiles : il est sur l'extrémité du coteau qui descend à l'anse nommée Portz-Lanriot, laquelle forme un petit golfe sur la rive gauche de la rivière de Bélon.

On a donné aussi le nom de Ti-Couriket, maison des nains ou courikets, à ce monument : il a seize pas de longueur et s'aligne de l'E. trois quarts N.-E. à l'O. trois quarts S.-O. Le côté nord nous présente sept tables bien distinctes, plus l'emplacement d'une huitième, qui manque contre sa pierre de fond, à l'occident. Elle sont élevées à trois pieds et demi au-dessus du niveau du sol, du côté du nord, par une dizaine de supports placés presque tous en ligne directe, de dimensions assez uniformes, arrondis ou coupés horizontalement en dessus ; leur largeur varie de trois à quatre pieds.

Comme ce monument est encombré de pierres et couvert de buissons, principalement sur son côté méridional, on n'y aperçoit plus que six supports ; sa partie antérieure s'y trouve même tellement masquée par une touffe de sureau, entremêlée de troënes, de prunelliers et de notre grande fougère, qu'il m'a été impossible de m'assurer s'il n'était pas précédé d'un parvis, ainsi que nos autres longs-dolmens.

Park-Biourach

Extrait du cadastre napoléonien

La première table, au levant, a 9 pieds de longueur sur 5 de largeur ; elle se termine en pointe à ses deux extrémités. La seconde est un peu plus courte, et la troisième n'a que 7 pieds et demi de longueur. Je dois citer principalement la cinquième, dont la longueur est de 10 pieds sur une largeur de 7 ; c'est la plus grande de toute les sept.

 

Les trois suivants, qui couvraient la suite du corridor jusqu'à la porte de fond, sont masquées par les décombres ; mais c'était à la première de celles-ci que s'arrêtait la grande largeur du dolmen, puisque leurs trois supports forment subitement un nouvel alignement en dedans de la série des antérieurs. Le passage qui existait à ce resserrement du dolmen est maintenant occupé par un chêne médiocre, quoiqu'il m'ait paru assez ancien.

La pierre de fond s'aligne exactement du N.-O. au S.-E. ; elle a 5 pieds 10 pouces de largeur sur 3 pieds 4 pouces au-dessus du sol. Elle est inclinée en arrière par son bord supérieur, ce qui résulte peut-être de la pousée de l'amas de pierrailles amoncelées contre elle intérieurement. Peut-être que cette extrémité du corridor avait été rétrécie, pour que ses derniers supports ne débordassent pas de chaque côté la larguer de la pierre de fond.

J'ai été réduit, comme on le voit par ce qui précède, à ne pas exécuter sur ce monument un travail aussi complet que je l'aurais désiré : il aurait fallu le faire déblayer, et je n'ai aucune allocation sur la liste civile à cet effet. C'est alors un complément que je dois signaler à ses favoris, afin que les archéologues puissent dire à leur tour : Nous sommes satisfaits.

Je ne pus quitter la position de ce long-dolmen sans admirer le charmant paysage qui s'offre à nos regards du côté de l'occident : de là nous dominons l'élargissement de l'anse de Bélon, au bord de laquelle est la jolie maison de campagne de M. Sominiac, accompagnée d'arbres élevés et d'un jardin qui descend jusqu'au bord de l'eau : au bas de celui-ci se trouve un embarcadère avec son bateau stationnaire, pour faire des promenades sur le bras de mer et la rivière de Pont-d'Aven, qui s'y réunit un peu plus à l'O. C'est un havre abrité, où viennent mouiller des chasses-marées de 5 à 600 tonneaux ; les arbres nombreux et d'une belle venue, dont la colline est plantée, y font un charmant contraste avec les autres collines exposées au midi ainsi qu'à la violence des vents de l'Océan. Elles se trouvent entièrement nues et en landes incultes.

Du côté du levant, le sol forme un plateau élevé, dont les diverses cultures se font en plaine, et cette étendue est limitée par le village de Kermeur-Bihan ou Kerivien, dont on aperçoit les toitures ; au-dessus de celles-ci s'élève le grand orme fort ancien dont nous avons parlé ci-dessus, et dont la hauteur est au moins double des autres arbres de la contrée.

Cette plaine est bordée au midi par le vallon de Portz-stanc-Kerivien ; et du côté nord, la partie supérieure de la plaine nous masque le prolongement de la rivière de Bélon vers Portz-Nevez ou le Port-Neuf. Ce mot de Bélon ne nous rappelle-t-il pas ici la divinité gauloise nommée Bélus ou le Soleil, ou l'Apollon du paganisme ?

 

(1) C'est ainsi que nous voyons, en Crozon, le village de Kerglintin, qui signifie village de l'endroit de la teigne.

(2) On dit aussi Park-Priourar. Comme il encombre le champ, les propriétaires me dirent qu'ils le feraient sauter avec de la poudre.

Coordonnées : N 47.81378 W 3.70017

 

 

Kermeur-bihan

 

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