Les Moëlanais
Histoire locale
Les chouans à Moëlan
Sources : Bulletin diocésain d'Histoire et d'Archéologie, 1911
P 32
Dans la nuit du 27 au 28 (15 et 16 juillet) un courrier extraordinaire apporte à l'Administration une lettre du District de Quimperlé, portant que, vers les six heures de l'après-midi, du 27 juillet (15 juillet), les Anglais ont fait un versement d'environ 3000 hommes à Bélon, commune de Moëlan.
P 53
La chouanerie
Documents pour servir à son histoire dans le Finistère
N° 59
L'an premier du règne de Louis XVIII (3 septembre 1795)
Monsieur,
Il est étonnant que, depuis votre débarquement sur les côtes du Finistère, vous laissez dans l'inaction des grenadiers aussi disposés que les vôtres à servir la cause commune.
Vous n'ignorez pas, d'après les renseignements que je vous ai donnés, que le bourg de Moëlan, à deux lieux de Quimperlé, sur la côte, est habité par des intrus, dont l'un, nommé Le Franc, est un homme très dangereux, et qu'en punissant ces hommes de mort, comme ils le méritent, vous délivrerez le pays de deux scélérats qui pourraient nous nuire si vous le laissiez exister.
Votre seconde compagnie de grenadiers n'ayant point été habillée avant l'embarquement, doit avoir grande affaire de hardes ; vous trouverez au même bourg un officier municipal et deux autres personnes qui se sont très mal montrés ; vous trouverez chez eux du drap, de l'étoffe pour habiller vos hommes, en attendant les habits qu'ils recevront au premier débarquement. Vous trouverez chez les mêmes personnes beaucoup d'argent ; vous les mettrez à contribution, et me ferez passer les sommes que vous aurez perçues.
Je vous ordonne de vous rendre vendredi au soir 11 de ce mois, et d'expédier et rançonner les personnes ci-dessus nommées. Vous commanderez 120 grenadiers pour vous servir et viendrez me rejoindre après votre expédition.
Avant d'aller au bourg pour votre expédition, vous irez prendre le fils de M. du Guilly, chez son père. Ce jeune homme est officier sur les vaisseaux de la République ; vous l'enchaînerez et me l'aménerez et, d'après les informations que nous prendrons sur sa conduite, il sera puni de mort, s'il le mérite.
Vous vous informerez aussi de la conduite de M. du Guilly père, et de M. Mauduit, qui demeure sur la côte, près du bourg. Il sera encore nécessaire que vous vous informiez de la conduite de plusieurs autres personnes de la paroisse, que vous mettrez à mort ou traiterez de la manière que vous jugerez nécessaire pour le bien de la cause commune.
Avant de vous rendre au bourg de Moëlan, vous tâcherez de procurer à vos soldats des habits de paysans à la mode du pays. Le soldat que j'ai envoyé à Quimperlé, comme espion, doit me répondre demain, et me donnera connaissance de ce qui passe ; ce brave garçon m'a déjà bien servi et j'espère qu'il le fera encore.
Travaillez avec la plus grande activité, et toujours de concert avec les autres chefs du Finistère ; il est temps de faire aux chouans de ce département imiter ceux du Morbihan, qui se font admirer tous les jours, et de purger notre pays de monstres qui l'empoisonnent.
Je suis, avec toute l'amitié due à un frère d'opinion, Monsieur, votre ami.
Sans-Quartier (Poulpiquet), chef de cantonnement.
N° 60
Déclaration de Auguste du Guilly (ou Dupays)
Dans la nuit du 2 au 25 fructidor (10 et 11 septembre), vers les neuf heures et demie du soir, arrivant de la Porte-Neuve et me mettant à table, des chouans, dont je ne puis indiquer le nombre, entrèrent chez mon père, au Guily ; aussitôt, ils me sasirent en me demandant si je n'étais pas officier de la gueuse de République ; l'un de la bande s'empara d'une corde qu'il aperçut sur une armoire et me lia les mains derrière le dos. Les chefs se mirent à table, burent et mangèrent. Dans la conversation, j'entendis nommer l'un d'eux Sans-Quartier ; les subalternes burent et mangèrent également dans la cuisine.
Le soupé fini, les chouans me forcèrent à les suivre, par des chemins détournés, jusqu'au bourg de Moëlan, où rendus :
1° ils attaquèrent le presbytère, brisèrent à coups de hache la porte principale, et cherchèrent inutilement le Curé.
Durant cette perquisition, j'étais toujours garotté et gardé à vue dans le cimetière.
2° Après cette fouille, les chouans allèrent à la maison Pennec, où ils me traînèrent ; là, ils brisèrent la fenêtre, me prirent par les pieds, et me jettèrent sur une table, qui aboutissait à l'entrée de cette ouverture. Tous s'y précipitèrent et demandèrent brusquement à la citoyenne pennec où était son mari. Elle répondit : "A Quimperlé". Aussitôt, les chouans la menacèrent de la tuer, si elle ne leur donnait pas les clefs des armoires ; elle fit d'abord quelque résistance, mais je la suppliai de les leur donner, et je dis aux chouans : "Pour l'amour de Dieu, ne tuez pas la citoyenne Pennec". Tôt après, ils enfoncèrent les armoires et prirent plusieurs effets et enlevèrent de la boutique les morceaux de drap qui leur convenaient.
3° De cette maison, les chouans se rendirent auprès de celle de Martial Mahé, où ils entrèrent, après avoir brisé une fenêtre. Ils y commirent des dégâts et volèrent quelqu'argent en présence de la femme, le mari s'étant évadé.
4° Ensuite, ils se transportèrent près de la demeure de la citoyenne Babette Le Dos, femme du jeune Guiffant. Je leur dis de ne pas y rentrer, attendu que le mari était absent, et qu'ils n'auraient rien trouvé chez elle.
Pendant ces différentes recherches, les chouans me maltraitaient et me crossèrent à différentes reprises.
Nous quittâmes le bourg, et les chouans me forcèrent à les suivre jusqu'au lieu Grandes-Sales. Ils entrèrent dans une maison, où ils demandèrent de l'argent et le chemin conduisant chez les Mauduit et Marée. Je leur dis que le citoyen Maré était à Quimperlé, et que le domicile du citoyen Mauduit était éloigné.
De là, ils me forcèrent à les suivre, par des chemins tortueux et détournés, jusqu'au pont de St-Ouarno, où ils firent halte, m'ayant entouré pour décider de mon sort. Au même instant, le bruit d'un cheval fut entendu, et ils se dispersèrent, en recommandant à l'un d'eux de me fusiller, pendant que je m'évadais du côté de Baye. M'étant aperçu qu'un des chouans me visait, je me portai dans une douve, le coup parti. Je restai quelque temps dans cette position, contrefaisant le mort. Deux autres chouans passèrent dans le même moment et, craignant que je ne fus pas mort, me tirèrent deux coups de fusil. Je me retirai de cette douve avec bien de la peine. Près de Baye, un cultivateur me débarrassa de la corde qui me liait les mains, et que je lui laissai pour récompense.
N° 61
26 fructidor an III (12 septembre 1795)
Anne Pichon déclare au District de Quimperlé que "les chouans entrèrent au presbytère de Moëlan, au nombre de sept ; qu'elle reconnut M. du Guilly ; qu'elle remarqua qu'il avait les mains libres ; qu'il appela le citoyen Le Franc (curé) par trois fois ; qu'il a monté lui-même dans tous les appartements pour chercher le dit Le Franc, en le menaçant que s'il le pouvait trouver il l'aurait tué.
Ayant entendu (dit-elle) enfoncer la porte du cimetière, les chouans sont entrés dans la cour du presbytère, ont brisé la fenêtre de la cuisine à coups de hache ; ils sont entrés au nombre de sept ; il y avait Auguste du Guilly, fils, qui criait : "Le Franc ! Le Franc !" La domestique ayant dit qu'elle ne savait pas où il était, ils ont brisé tout chez lui. "Je ne sais pas où il est", dit-elle. Il répondit : "Hé bien, garce, tu me feras savoir où il est, ou je te tue ; entends que je ne suis pas citoyen, je suis monsieur".
C'est de Quimperlé que Cambry part pour effectuer, à la demande du Département du Finistère, son enquête sur les "Objets échappés au vandalisme" dans le département : en 1799, il publie à Paris, son "Voyage dans le Finistère ou état de ce Département en 1793 et 1794", qu'il rédige, dans le district, à Moëlan chez de Mauduit. Il est encore président du district lorsque, dans le cadre de l'affaire de Quiberon, la ville de Quimperlé est menacée en juillet 1795, par une troupe de Chouans débarquée à Névez et Riec sur les côtes du district. Au cours et à la fin de l'année 1795, la menace chouanne augmente sur la ville et ses patriotes ; un juge, des prêtres constitutionnels sont tués dans le district : deux jeunes chefs chouans sont capturés et fusillés à Quimperlé, après jugement militaire, sur la place au Soleil (sud de la place Saint-Michel) en novembre et décembre 1795 : Augustin Dupays du Guilly, et Alexandre de Poulpiquet.
31 décembre 1921 (L'Union Agricole et Maritime)
Miettes d'histoire révolutionnaire
Les Chouans chez le Recteur constitutionnel de Moëlan (11 septembre 1795)
Arrivant à Moëlan, à huit heures, pour demander un logement à la commune, je fus des plus surpris, en arrivant chez le Sr Lefranc, recteur, où j'ai trouvé les portes cassées par les chouans, hier au soir, à neuf heures et demie, notre concitoyen Lefranc a eu le bonheur de se réveiller au grand bruit, n'ayant eu que le temps de se sauver en chemise pour s'épargner la mort, ayant sorti par la croisée de son jardin où il a passé la nuit dans une pièce de blé noir, jusqu'à six heures du matin. Ces scélérats ont brisé, cassé et emporté ce qui leur ont été propice ; ils ont été chez un officier municipal, où ils ont fait autant, ce dernier avait pu se sauver par la cheminée ; ils en ont fait autant chez le ci-devant procureur-syndic, qui a eu le bonheur de coucher à Quimperlé.
Cette expédition avait été organisée préalablement, car on trouva chez le sieur Pennec, au bourg de Moëlan, que les chouans avaient visité dans la même nuit, la lettre suivante : " Le bourg de Moëlan, à deux lieux de Quimperlé, est habité par deux intrus, ont un nommé Lefranc, est un homme très dangereux et qu'en punissant ces hommes de mort, comme ils le méritent, vous délivrerez le pays de leurs scélérats qui pourraient nous nuire si vous les laissez exister.
Je vous ordonne de vous rendre vendredi au soir, onze de ce mois, et d'expédier et rançonner les personnes ci-dessus nommées ; vous vous commanderez 190 grenadiers pour vous suivre et viendrez me rejoindre après votre expédition.
Avant d'aller au bourg, vous irez prendre le fils de M. Duguilly chez son père ; ce jeune homme est officier de vaisseau de la prétendue République ; vous l'enchainerez et vous me l'amènerez et d'après les informations que nous prendrons sur sa conduite, il sera puni de mort s'il le mérite ; vous vous informerez également de la conduite de M. Duguilly père et de M. Mauduit qui demeure sur la côte près du bourg ; il sera encore nécessaire que vous vous informiez de la conduite de plusieurs autres personnes de la paroisse et des environs du bourg que vous mettrez à mort ou traiterez de la manière que vous jugerez nécessaire pour le bien de la chose. Avant de vous rendre au bourg, vous tâcherez de procurer à vos soldats des habits de paysans à la mode du pays ; le soldat que j'ai envoyé à Quimperlé comme espion doit me rejoindre demain et me donnera connaissance de ce qui se passe ; ce brave garçon m'a déjà bien servi et j'espère qu'il le fera encore.
Travaillez avec la plus grande activité toujours de concert avec les autres chefs du Finistère ; il est tenu de faire aux chouans de ce département, imiter ceux du Morbihan qui se font admirer tous les jours et de purger notre pays des monstres qui l'empoisonnent".
Signé : Sansquartier
Chef de cantonnement
Duguilly fut en effet enlevé par les chouans le 25 fructidor an III, comme en témoigne la pièce ci-dessous adressé au district de Quimperlé par la municipalité de Riec :
" Nous venons d'apprendre de source certaine que le citoyen Duguilly, fils aîné, vient d'être enlevé la nuit dernière par les chouans qui l'ont lié et garroté. Cette incursion de leur part si près de nous, nous fait craindre qu'ils pénètrent dans notre commune et qu'ils y commettent des actes aussi arbitraires et même pires ". (L. 272 - Les archives du Finistère)