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Recettes moëlanaises
Bernard Boudic
La pomme de Kermerrien est originaire de… Kermerrien
La pomme à cidre Kermerrien, si connue dans la région de Quimperlé, est-elle née à… Kermerrien ? Oui, sans doute ! Mais où est situé Kermerrien ? Il a bien existé un village de ce nom sur le domaine de Plaçamen. Jusqu’au milieu des années 1950, au sud du Château, au-dessus de la rivière de Merrien, le jardinier Jean Rannou et sa famille, furent les derniers habitants de ce que l’on a parfois appelé le manoir de Kermerrien. Et comme il existait, non seulement à Kermerrien, mais aussi à Kerouant et près de la Houart, de nombreux vergers dont on devine qu’ils furent bien entretenus avant de disparaître sous les ronces et la broussaille, le pas est vite franchi. La pomme de Kermerrien est née à… Kermerrien.
Kermerrien en Moëlan-sur-mer
« Espèce nouvelle, très recherchée »
Mais la consultation des revues spécialisées de la fin du 19e siècle ne confirme pas cette origine. Ainsi, « Le cidre et le poiré », revue mensuelle des intérêts pomologiques publiée à Argentan (Orne), du 1er novembre 1892 (4e année, n°7), cite deux envois de greffes qui lui sont parvenues pour être distribuées à ses abonnés. Le premier émane de M. de La Hayrie, propriétaire à Quimperlé. Il comprend des greffes de pommes de Kermerrien, « espèce nouvelle très recherchée et excessivement vigoureuse ». Leur expéditeur précise : « Maturité, novembre décembre. Produit très abondant, excellent cidre ». Le second provient d’un M. Pilorgé, agriculteur à Kernours en Quimperlé et comprend aussi des greffes de pommes Kermerrien à côté d’autres variétés comme Douce Rousse, Bacon Blanc, Douce-Evêque, Douce-Moën, Cok Hir, Pomme Lidel, Stang-glass.
La même revue, dans une parution du 1er mai 1896, retient les noms de M. de la Hayrie et de M. Pilorgé comme propagateurs de la variété, et à l’occasion d’une exposition de fruits à l’hôtel de ville de Rouen parle d’une « variété de pomme bretonne, offerte et nommée par M. Pilorgé de Quimperlé, la Kermerrien ».
Autre indication : le Bulletin de l’Association française pomologique de 1904 annonce « la création d’une association finistérienne autonome afin de faire ressortir les excellentes qualités de nos fruits de pressoir, de sortir du chaos où nous étions, de dresser une échelle de la valeur de nos pommes, et de limiter les espèces à celles qui sont reconnues les meilleures comme la doux-évêque-briz, la kermerrien, cette trouvaille d’un de vos compatriotes, le regretté M. Pilorgé… »
Plutôt Clohars…
Enfin, la Revue bretonne de botanique pure et appliquée, dirigée par M. Lucien Daniel, professeur de botanique agricole à la Faculté des sciences de Rennes (1912) tient pour établi que la Kermerrien est originaire de Clohars-Carnoët, près de Quimperlé.
Elle est décrite comme suit par MM. Truelle, pharmacien à Trouville, fondateur en 1877 d’un laboratoire de pomologie, et Crochetelle, directeur de la station agronomique du Lézardeau à Quimperlé : arbre de forme ascendante, très vigoureux et très fertile, croissant dans presque tous les terrains, à feuilles grandes et larges très duveteuses en dessous ; floraison 15 mai ; maturité fin novembre ; épiderme lisse à fond jaune presque entièrement nuancé et strié de carmin ; pulpe douce relevée d’une pointe d’amertume, très juteuse, parfumée ; poids moyen : 55 grammes ; jus pâle donnant sans mélange un cidre doux, légèrement amer, très agréable.Analyse : densité 1070 ; acidité 1,50 ; tanin 2,46 ; sucres 165. Cette variété est très estimée dans la région de Quimperlé pour sa vigueur, sa très grande fertilité et la qualité de son fruit.
Le pharmacien Truelle, avait déjà indiqué dans son Atlas des meilleures variétés de fruits à cidre (Paris 1896) : « Excellente variété probablement fille d’un Fréquin, propagée par Pilorgé, donne un très bon cidre un peu moins amer que celui que donne la Doux évêque briz ».
La messe est-elle dite ? Ce qui semble certain est le rôle joué par Pilorgé, l’agriculteur de Kernours dans les années 1890. Et il existe bien à Clohars-Carnoët, non loin du moulin de Kercousquet un village du nom de Kermerrien.
Une publicité pour le pressoir Savary, fabriqué à Quimperlé, parue dans la revue "Le Cidre et le Poiré" à la fin du 19e siècle.