Les Moëlanais
Biographies
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Alfred Orvoën (1923-2013)
Témoignage recueilli par Marie-Laurence Nivaigne (septembre 2010)
Ma vie de marin, de Brigneau à Concarneau.
Je suis né à Kervetot (Moëlan), le 14 juin 1923.
J’ai commencé comme mousse, vers 12 ans à Brigneau, sur le bateau de Louis Guyomar de Kervetot.
J’ai navigué avec lui quelques années (jusqu’à 14/15 ans) sur un bateau à voiles.
Après, il a été équipé d’un moteur. J’avais un mal de mer fou, qui a duré au moins pendant un an.
Après, j’ai navigué avec Joseph Le Torrec, sur un côtre ; on pêchait des maquereaux qu’on vendait à l’usine de Malachappe (usine Bézier). C’était pendant la guerre. Une fois, un Allemand m’a tiré dessus. Je revenais à la godille. C’était un coup de semonce parce que je n’avais pas signé le papier (Ausweiss). C’était à l’heure de midi et il n’y avait personne dans la guérite !
A la fin de la guerre, j’ai fait la pêche à la langouste avec Joseph Le Torrec. On partait à la journée sur un bateau voiles/moteur. On vendait notre pêche à Léon Serrec au restaurant à Malachappe.
J’ai fait mon service militaire à Toulon, où je suis resté un an. J’avais 21/22 ans.
A mon retour, j’ai rejoint Joseph Le Torrec qui naviguait à Lorient, sur l’Ange Gardien, chalutier voile/moteur sur lequel je suis resté au moins deux ans.
Après, j’ai navigué sur le Président Paul Doumer, un chalutier classique de 40 m, commandé par Julien Le Bourhis de Clohars. Je suis resté sur ce chalutier pendant environ dix ans et j’y ai bien gagné ma vie.
Il y avait beaucoup de Moëlanais :
Roger Guillou, de Malachappe - Henri Le Doze, de Brigneau ;
Marcel Colin, de Kerabas - Léon Haslé, de Petites Landes ;
Lucien Garrec, de Petites Landes - Pierrot Morvan, de Kergroës ;
Jacques Charles, de Malachappe - Julien Danielou, de Kervetot ;
Marcel Le Garrec, de Pouldour, a commencé sur ce bateau comme mousse.
Je me suis marié en 1951
Il y a eu une grève à Lorient (1956 je pense) et après, je suis venu naviguer à Concarneau sur le Dumont d’Urville, chalutier classique de 25 mètres, sur lequel j’ai navigué quelques années. J’étais matelot et Adolphe Hugo (Groisillon de Concarneau) était le patron.
Après, j’ai navigué sur l’Aigue Marine, chalutier classique de 35 mètres, jusqu’à deux marées de ma retraite. Le patron était Adolphe Hugo et j’étais bosco (chef d’équipage).
Pour finir, j’ai fait quelques marées sur le Christian Yveline, commandé par Jacques Le Touze de Kermeurzach, avant de prendre ma retraite à 55 ans en 1978.
Alfred Orvoën et Pierrot Morvan sur Dumont d'Urville
Ma vie de matelot
Pas d’heure pour se lever, pas d’heure pour se coucher. S’il y avait du travail, c’était pour tout le monde. Quand on avait ramené le chalut à bord, il fallait trier et étriper le poisson, le laver, le mettre dans les paniers. Puis, on descendait les paniers dans la cale où on mettait de la glace dessus pour la conservation.
Aussitôt qu’on avait enlevé le poisson du chalut on remettait le filet à l’eau. Le chalut restait trois heures environ à l’eau. La marée durait quinze jours. Il pouvait y avoir quatre coups de chalut par jour et on continuait à travailler la nuit.
J’ai essuyé souvent des tempêtes. Quand il y avait du trop mauvais temps, on mettait « en cap » ; on ramassait le chalut, on le ficelait et on la rangeait le long de la lisse (le bord du bateau).
Quand on naviguait sur la mer d’Irlande, on est allé plusieurs fois en relâche (se mettre à l’abri de la tempête) dans le port de Newline. Pendant la cape, celui qui était « de quart » veillait à la passerelle avec le patron. Les autres lisaient ou dormaient dans leur bannette ou couchette.
On pêchait du merlu (gros merluchons), des grondins, du merlan, de la sole, de la limande sole, de la limande, du turbot (rarement), du Saint-Pierre, de la lotte, des maquereaux, des seiches, des langoustines (des grosses), des crabes, des araignées… Quelquefois, on faisait des pêches bizarres (requins, sabres…).
On voyait souvent des baleines, des orques, des phoques, des requins.
Quand je partais, je mettais mon linge dans un panier en osier. Au retour, il était rempli avec la « godaille », la part à laquelle on avait le droit.
A la criée, la sole, le turbot, le merlu se vendaient bien mais le maquereau ne se vendait pas bien.
Quelquefois, la cale était pleine de maquereaux et il y en avait encore sur le pont !
Quand on revenait à terre, s’il y avait du mauvais temps, il fallait « saisir » les panneaux (les attacher solidement) sinon, quand il y avait du roulis, le panneau pouvait bouger et l’eau pouvait entrer dans le bateau.
Je n’ai pas navigué sur des « pêches arrière ».