Les Moëlanais
Biographies
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Hippolyte Cornou (1897-1960)
"Dédicacé à mes chers soldats qui ont lutté avec moi pour la libération de la France immortelle."
Les souvenirs de ma vie par LA ROUE
Ecrivain improvisé, j'écris mes mémoires pour que mes enfants, petits-enfants et les générations futures et présentes trouveront dans ce manuscrit les souvenirs de ma vie.
PREMIER
Né dans un grand village de Moëlan-sur-Mer, situé sur la route de Kergroës et (Saint-Pierre Kerglouanou), le 1er Mars 1897, d'une famille honorable, mon père, quoique orphelin d'un patron de pêche, noyé avec tout son équipage, pris dans un ouragan sur la Pointe de Beg-Morg, près de Brigneau, a continué le métier dur de son père, ne tenant aucun compte qu'il encourait le même sort. Ma mère travaillait une petite ferme au lieu dit Kéroc'h, nourrissant deux vaches. Aidée par ma grand-mère, courageuse veuve qui a élevé mon père, ne touchant qu'un modeste secours de la Caisse de Prévoyance, je crois dix neuf francs par an et n'ayant que dix huit mois lors du naufrage de son père.
La petite maisonnette, couverte en tuiles rouges, n'avait qu'une seule pièce servant en même temps de cuisine et de chambre à coucher. Comme d'autres en ce temps-là, elle était construite dans un jardinet près de la fontaine du village, n'ayant aucune route carrossable comme issu.
J'ai vécu dans ce village, jusqu'à l'âge de deux ans. D'après les dires de mes voisins plus aînés, lorsque ma mère très occupée par son labeur quotidien me confiait au voisin Hervé qui m'envoyait dans son moulin à vent (les moulins à vent existaient encore de ce temps), le vieux meunier me considérait comme son petit-fils et avait soin, me surveillant attentivement jusqu'à l'heure du diner où il me retournait à ma maman qui m'endormait après le goûter.
Actuellement un grand quotidien fait un concours du bel âge, je crois que pour moi c'était celui-là, ne pensant même pas à mon père couché avec 41° de fièvre, pouvant passer de vie à trépas. Ah ! Oui c'était le plus bel âge de ma vie.
II
Mon grand-père Fauglas Antoine, de Chef du Bois, possédait une petite ferme à Kervéligen tout en haut de la rivière de Merrien. C'est là que mes parents sont venus passer leurs jeunesses et leurs vieux jours. Tant qu'à moi toujours innocent puisque je n'avais que deux ans et demi, je vivais toujours le plus bel âge de ma vie.
Mon père fréquentait la mer quand le temps était beau et ma mère continuait son train-train. Ah ! que la vie était dure et je n'avais aucun soucis.
Quand la pêche saisonnière était terminée, mon parrain Lollichon Jean-Pierre, cousin germain de mon père et qui habitait Chef du Bois, venait nous aider pour l'exploitation de la petite ferme.
En 1902, j'héritais d'une petite soeur prénommée Yvonne, ce qui donnait du travail supplémentaire à ma mère qui, malgré tout, continuait avec courage son travail quotidien.
Quelques années plus tard, ma grand-mère Catherine le Delliou qui me choyait tant, mourait emportée par une terrible maladie, laissant seule ma mère avec ses deux petiots.
III
A l'âge de huit ans, mes parents décidèrent de m'envoyer à l'école des Frères, aujourd'hui Ecole du Sacré-Coeur, distante de deux kilomètres environ, emportant dans un mouchoir une tartine de beurre pour mon repas de midi, en hiver, c'était des crêpes et du pain noir qu'on faisait tremper le midi dans un café du bourg. J'ai oublié de dire que le pain blanc était rare en ce temps, seulement deux ou trois fois par an quand les parents allaient au marché de Quimperlé. Avec quelle angoisse ma petite soeur et moi attendaient leur retour.
En été, lorsque l'école était terminée, malgré mon petit âge, il fallait aller garder les vaches et apprendre mes leçons.
Le jeudi après mon diner, on m'autorisait d'aller dire bonjour à mon grand-père Antoine et à ma grand-mère Catherine le Maout qui habitaient Chef du Bois. Comme il élevait des abeilles, je profitais pour manger des tartines de miel, et toujours du pain noir qui donnait un très bon goût avec le miel.
J'avais oublié les fraises, les groseilles et les cassis dont mon grand-père avait soin. Pendant les vacances mon oncle Joseph, en religion Frère Rosius Marie, venait lire son bréviaire dans ce jardin, j'allais souvent lui tenir compagnie car les deux villages n'étaient pas bien éloignés. Plus tard, ma soeur m'accompagnait.
J'avais oublié mon oncle Corentin, veuf très jeune, et ayant une petite fille prénommée Joséphine qui malheureusement était infirme, et ma marraine Catherine qui me donnait deux sous tous les dimanches lorsque j'allais à la Grand'messe, car c'était obligatoire. Ma tante Yvonne, la marraine de ma petite soeur, était l'avant dernière des enfants.
Voilà à peu près présenté ma famille jusqu'à la naissance de ma soeur Mélanie et le remariage de mon oncle Corentin avec Françoise le Bloa. De ce mariage la famille a augmenté de quatre garçons, Joseph, Pierre, Hippolyte et Benjamin et de trois filles, Marie, (Françoise et Yvonne, deux jumelles).
Je suis le parrain d'Yvonne. Tous ces enfants sont actuellement mariés et pères et mères de famille.
Cornou Hippolyte Pierre Marie (1897-1960)
IV
Je retourne dans ma famille composée actuellement de trois enfants, moi et mes deux soeurs.
J'ai onze ans et continue à fréquenter l'école. Je suis même assez avancé, aussi bien en catéchisme puisque je suis le premier et appelé pour lire la consécration lors de ma première Communion, comme il est toujours d'usage dans la région.
A l'école je suis le cours du soir et désigné pour subir l'examen du certificat d'étude que j'ai réussi avec satisfaction.
Monsieur le curé Maréchal aurait voulu me faire rentrer au Séminaire, mais mon père n'a pas accepté prétextant qu'il n'avait que moi comme garçon. Il aurait pourtant fait une bonne oeuvre, ma vie aurait été plus douce que celle que j'ai menée depuis.
V
Continuant à mener la vie d'écolier régulièrement jusqu'à l'âge de quatorze ans, gardant les vaches le jeudi et pendant les vacances, lorsque mon père et moi-même qui le voulait, j'ai commencer à charruer et conduire la voiture attelée, allant même le jeudi travailler chez les voisins, gagnant trois francs par jour avec cheval, voiture et charrue enfin tout le matériel nécessaire pour la culture. J'étais très heureux le soir de remettre les trois francs à ma mère, qui aussi était fière de son fils.
J'ai continué jusqu'à l'âge de seize ans à fréquenter l'école, vu que je suivais le cours élémentaire, mais ma place était à la maison.
VI
Mon père voulant faire de moi un marin comme mes aïeux m'embarqua sur le rôle de son canot Joseph 765 CC.
Je me rappellerai toute ma vie de son nom et du numéro.
Trouvant que je ne bourlinguais pas assez, j'ai demandé à mon père l'autorisation d'embarquer avec mon voisin sur " Le Nouveau Soutien de Famille " d'un tonnage supérieur et fréquentant en été la mer régulièrement.
A dix sept ans et demi, trouvant la vie trop morose, j'ai comme beaucoup de mes camarades, pris le large, la guerre étant déclarée et mon patron mobilisé. Je suis parti tout seul à St-Nazaire n'ayant jamais voyagé et peu de sous en poche.
Dans ce port j'ai trouvé des amis déjà navigateurs et qui m'ont aidé pour trouver un embarquement.
En effet, un jour je me dirigeais au bureau de placement de la C.G.T., lorsque j'ai rencontré Quentel et son oncle Favennec, gendarme à St-Nazaire. Ce dernier m'a donné tous les tuyaux dont j'ai profité.
Je me suis présenté au capitaine d'armement de la compagnie lui disant que je voulais embarquer n'importe dans quelles fonctions, car depuis quinze jours je trainais sur le quai.
Pris par mon honorabilité, ce monsieur par pitié inscrit mon nom me prévenant de venir tous les matins au bureau prendre des renseignements.