Les Moëlanais
Biographies
Biographies
François Narpon (1867-1918)
Un parcours de marin de l'Etat (1887-1906)
Camille Kerlan (janvier 2021)
François Marie Narpon est né le 4 avril 1867 à Keryoualen Izel à Moëlan, Finistère, fils de Jean Marie (1832-1889) et Marie Yvonne Le Delliou (1842-1889). Ses parents décèdent à 6 jours d'intervalle.
Il est le 3e enfant d'une fratrie de 10 nés entre 1863 et 1885 à Keryoualen.
Il se marie le 2 mars 1897 à Moëlan avec Marie Julienne Kerlan de Lanbeurnou.
Ils eurent deux enfants : Marie Louise née le 20/07/1901 à Keryoualen Izel, décédée le 16/07/1910 à Keryoualen Izel et François Haster né le 18/02/1905 à Keryoualen Izel, décédé le 29/04/1928 à Keryoualen Izel.
Il décède le 8 avril 1918 à Keryoualen Izel à l'âge de 51 ans. Son épouse décèdera en 1957.
Les ascendants paternels de François Narpon étaient de Clohars, du village de Kerbeurnes sur la route de Langlazic au Pouldu. Sa mère Marie Yvonne Le Delliou et son grand-père Joseph étaient des gens bien installés à Keryoualen Izel en Moëlan. Des deux côtés, ils étaient cultivateurs.
Avant le service militaire, François Narpon avait été inscrit maritime pendant 43 mois et 16 jours ; il était marin-pêcheur (mousse, novice et matelot) au port de Doëlan dans les années 1882-86.
A l'âge de 20 ans, François est soumis aux obligations des inscrits maritimes qui leur impose de se présenter pour être levé au service de la flotte. Il est arrivé le 8 avril 1887 à la Division de Lorient comme jeune soldat de la classe de 1887. Taille : 1m 535 mm, poil chatain, yeux bleus, bouche grande... Trois jours plus tard, il passait un examen, mais était déclaré illettré et en conséquence ne pouvait être affecté à la mousqueterie. Le 13 avril 1887, il était vacciné sans succès à Lorient.
François était illettré ! Rien de bien surprenant. Il avait 16 ans, donc l'âge de travailler lorsque s'est ouverte l'école publique de Saint-Thamec. En quelle langue s'était passé cet examen ? Etait-ce en français ou en breton vannetais ?
Le 23 février 1892, François Narpon est réadmis sans prime au port de Lorient pour 3 ans à compter du 8 avril. En mai-juin-juilet 1892, il était apprenti-chauffeur sur un bâtiment de la Réserve de Lorient. Son aptitude et sa conduite sont qualifiées respectivement de "satisfaisante" et "exemplaire".
De juillet 1892 au 1er mai 1893, François Narpon est embarqué sur le transport MYTHO. Il est envoyé en campagne en Afrique, une campagne de guerre au Dahomey. Il en est revenu avec les blessés et les malades. Lui avait-on expliqué ce que la France (alors amputée de l'Alsace-Lorraine) allait faire là-bas ? Savait-il avant de partir de Lorient qu'il y avait dans le monde des gens à la peau noire ?
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Malades civils en provenance d’Afrique du Nord rapatriés vers la métropole à bord du Mytho
François Narpon a été nommé Matelot Pont 2è classe par avancement ordinaire le 1er février 1893 ; il était reconnu apte au service des machines et était Breveté chauffeur le 15 décembre 1893. Le 1er avril 1894, il était nommé Quartier-Maître Chauffeur 2è classe ; il était alors à la Défense Mobile à Toulon.
Notes portées sur la feuille d'examen de François Narpon
pour l'obtention du Brevet de Matelot-Chauffeur le 15 décembre 1893
Description des chaudières | 15,5 |
Coeff. 2 |
Assez bien |
Conduite des feux et des chaudières | 19 |
Coeff. 3 |
Très bien |
Travaux manuels | 18 |
Coeff.1 |
Très bien |
Total |
106/140 |
François Narpon a ensuite été embarqué sur les cuirassés COLBERT (6 mois en 1894), FORMIDABLE (16 mois en 1894-95), DEVASTATION (17 mois en 1896-97), TERRIBLE (16 mois en 1897-98), CARNOT (25,5 mois en 1899-1901), CHANZY (31 mois en 1901-04), GUEYDON (14,5 mois en 1904-05). Tous ces navires étaient des mastodontes blindés et lourdement armés avec des équipages de plusieurs centaines d'hommes.
Le livret militaire de François Narpon est riche d'appréciations élogieuses et de mentions de conduite exemplaire ; on y trouve même un avancement au grade de 2nd maître par décision ministérielle ! Il a été nommé matelot 2è classe le 1er février 1893, breveté matelot chauffeur le 1er décembre 1893, promu matelot 1ère classe en janvier 1894, quartier-maitre chauffeur 2è classe le 1er avril 94, puis 1ère classe le 1er oct 1896 ; alors qu'il était embarqué sur le Carnot, il a été proposé puis promu 2nd maître chauffeur 2è classe le 1er oct 1900 ; enfin il a été nommé à la 1ère classe de son grade sur le Chanzy le 1er avril 1903. A la date du 21 décembre 1900, son brevet de matelot-chauffeur porte une mention manuscrite surajoutée : "Reconnu apte au service des machines avec la note Bien ".
De façon surprenante, la page du 6 mai 1904 fait état sans autre commentaire d'une aptititude Médiocre aux fonctions de 2è Me 1è cl. Chauffeur ! François était alors sur le Chanzy. En août 1905, alors qu'il était passé sur le Gueydon, le médecin résident de l'hôpital de Saïgon et le médecin du bord faisaient le même constat d'une affection grave de l'oreille (otite chronique suppurée avec perforation du tympan) le rendant impropre au service et recommandaient son rapatriement pour une mise en retraite proportionelle. Rapatrié, il était à l'hôpital militaire de Lorient en janvier 1906 et passait devant la commision de réforme. Le 24 avril, il était "placé en disponibilité et admis à la retraite proportionelle". En décembre 1906, François Narpon recevait la notification d'une pension militaire de 1 130 Francs. Le 11 janvier 1907, il était "Rayé du contrôle d'activité et se retire à Moëlan". Il avait passé 18 ans et 2,5 mois aux Equipages de la Flotte et, avec le bénéfice des campagnes (en temps de paix ou de guerre), totalisait 26 ans et 3 mois de services.
En 1907, François Narpon était inscrit maritime au commerce à Douélan, mais il semble qu'il ne recouvra jamais la santé. Sa maladie était-elle guérissable ? Aucun document conservé n'atteste qu'il ait été soigné. Une lettre (rédigée par un écrivain) adressée en haut lieu par son épouse témoigne qu'il réclamait encore une pension d'invalidité 10 ans plus tard. Il avait 51 ans et était déclaré cultivateur lorsqu'il est décédé à Keryoualen Izel le 8 avril 1918.
Dans les années 1950, personne à Keryoualen ne savait encore où était le Dahomey, mais hélas l'Indochine était toujours une lointaine destination qui continuait à alimenter les conversations et les inquiétudes autour du lavoir.