Les Moëlanais
Au fil des années
Moëlan au fil des jours
Moëlan, le 10 octobre 1821
Quimper
Monsieur
Je m'empresse de répondre à votre lettre d'hier que je viens de recevoir à l'instant et de vous donner les motifs de la mesure que j'ai cru devoir prendre à l'égard de la presonne en question, pour vous mettre à même de juger l'affaire. Je vais vous la raconter comme elle s'est passée.
M. le vicaire fut appelé pour la voir pendant sa maladie et sans demander si c'était de sa part ou à son insu ; il n'y fut, mais comme elle était aubergiste et qu'il est connu dans toute la paroisse que son auberge était le rendez-vous des meilleurs ivrognes et des plus mauvais sujets ; qu'elle donnait à boire pendant les offices aux gens de la paroisse ; qu'elle donnait à s'enivrer d'après qu'on était ivre ; qu'elle les retenait à boire pendant la nuit et qu'en un mot, elle était connue pour se comporter aussi mal qu'il est possible à une aubergiste de se comporter ; M. le vicaire a cru devoir, avant de la confesser, comme ses péchés étaient publiés, exiger un témoignages public de son repentir et une promesse de se mieux comporter si elle revenait à la santé ; de quitter même son auberge puisqu'elle était pour elle une occasion de péché. Comme elle a tout refusé, M. le vicaire n'a pas cru devoir la confesser et s'est retié.
Quelques jours après, on est venu la chercher de nouveau. Comme il était absent et qu'on prétendait que la chose pressait, je suis allé moi même. Je m'attendais qu'elle allait faire de suite ce que le vicaire avait demandé. Point du tout, au contraire ; quand je luis parlais de ces choses, elle restait muette, quoiqu'aux autres questions elle répondait très bien. Après lui avoir représenté de mon mieux le tort qu'elle avait eu et le scandale qu'elle avait donné, je lui proposais de déclarer, devant les personnes qui étaient présentes, qu'elle était repentante de sa conduite passée, entr'autre, d'avoir donné à boire pendant les offices ; d'avoir donné à s'enivrer et à des personnes ivres ; d'avoir laissé pendant la nuit sa porte ouverte à toute sorte de gens ; et qu'elle promettait de se mieux comporter à l'avenir et n'ayant pu obtenir un oui sur aucune de ces propositions, j'ai déclaré, devant les personnes qui étaient présentes que, puisqu'elle refusait de reconnaître ses torts et de les réparer autant qu'il était en elle, il était inutile de lui parler de sacrements (qu'elle ne me demandait pas) et je me serais vu forcé dans l'abandon et avant et après sa mort le lendemain elle est tombée sans connaissance et est morte ?.
Voilà le fait, je me suis cru obligé en conscience d'agir ainsi, monseigneur sera mon juge. Je suis, en attendant une petite réponse de votre part, avec un profond respect.
Monsieur, votre très humble serviteur.
Le Pape, prêtre.
Il est probable qu'il s'agisse de :
Renée Le Goff, née le 6 janvier 1770 à Kernonen l'Argoat et décédée le 9 octobre 1821 au bourg. Elle était aubergiste au bourg et veuve de Guillaume Huel (1765-1818).