Les Moëlanais
Au fil des années
Moëlan au fil des jours
18 mai 1928 (L'Union Agricole du Finistère)
Moëlan. Incendie. Un incendie d'une grande violence s'est déclaré, mardi soir, à 23h45, à Moëlan, chef M. Guiffant, marchand tailleur, dans le plancher au-dessus de la cuisine. Il n'y a pas eu d'accident de personne. La pompe de Moëlan ne marchait pas ; les pompes de Quimperlé, alertées, partirent à 01h15, dans le camion de M. Ropert, et submergeant les débris, protégèrent la maison Le Corre.
On ne peut évaluer encore les pertes. Les marchandises sont hors de service. On remarquait sur les lieux, toutes les autorité et le clergé.
25 mai 1928 (L'Union Agricole du Finistère)
A propos de l'incendie du mardi 15 mai.
On nous écrit :
Le sinistre qui, en quelques heures, vient de détruire en plein bourg de Moëlan l'immeuble appartenant à l'honorable commerçant, M. Pierre Guiffant, tailleur, nous oblige à mettre en lumière les faits suivants que nous imputons sans la moindre hésitation, avec preuves à l'appoint si besoin en était, à la coupable négligence, si ce n'est à l'inconscient laisser-aller, de nos pouvoirs municipaux, auxquels, en la personne de M. le Maire nous posons nettement les questions suivantes :
Qu'est devenue, monsieur le Maire, la compagnie de sapeurs-pompiers créée à Moëlan au cours d'une municipalité soucieuse du bien public, qui a précédé votre simili Soviet ?
Faites quelques pas en arrière, voulez-vous ? En ce temps-là vous étiez le plus petit des conseillers municipaux ; car si nous avons bonne mémoire, vous avez tenu la lanterne rouge du train municipal... vous avez même failli rester à la voie de garage. Votre prestance et votre seule qualité " de camarade du bâtiment" vous avaient fait nommer lieutenant des pompiers, sans parcourir l'échelle des grades... et cela sentait, voyez-vous, l'Ancien régime dont vous faisiez partie... Mais depuis, vous vous êtes affranchi, vous avez poussé dans la hiérarchie municipale, vous être devenu monsieur le Maire, vous avez su réunir en une seule et même personnes le Maire, le lieutenant et Mathurin Le Goff... Comme il y avait incompatibilité entre les deux premières attributions, vous n'avez pas hésité, et pour des raisons que vous seul connaissez, vous avez conservé la mairie, supprimé le lieutenant, et du même coup toute la compagnie, puisque parmi tous vos compagnons de feu il vous a été impossible de trouver celui qui pouvait être digne de vous remplacer... La compagnie s'en est allée et le matériel est resté. Nous l'avons retrouvé hier, mais dans quel état !...
Quoi qu'il en soit, il était du devoir d'une municipalité, quelle qu'elle soit, de veiller avec le plus grand soin à l'entretien d'un matériel d'incendie dont dépendait la sécurité publique. Or, qu'avez-vous fait dans cet ordres d'idées ? Moins que rien.
Nous ne nous étendrons pas outre mesure sur un sujet que les faits nous ont hier prouvé. Nous vous ferons remarquer que la dernière sortie de la pompe a eu lieu en 1925, lors de l'incendie des dépendances du château du Guily... Les tuyauteries et la pompe étaient déjà à ce point inutilisables, au point que les pompiers de Quimperlé ont dû être appelés par le propriétaire de l'immeuble sinistré... Or, sans la moindre réparation sérieuse, vous avez fait réintégrer à leur garage pompe et tuyaux ; et hier, c'est à ce matériel de fortune, toujours inutilisable, que vos administrés ont eu recours pour essayer de limiter les progrès d'un sinistre, qui aurait pu être arrêté encore si les moyens de défense avaient été en meilleur état... et si vous aviez eu un peu plus conscience des devoirs vous incombant. C'est très beau, certes, de donner des ordres et de s'agiter devant un brasier, mais ce n'est pas suffisant...
Et la clef ? Cette malheureuse clef du local renfermant la pompe se trouvait jadis dans une cage vitrée où il était aisé à tous de se la procurer rapidement. On faisait sauter la vitre, on prenait la clef... on sortait la pompe... Les faits de la nuit passée nous ont clairement démontré l'utilité de cette sage mesure. Où se trouvait-elle donc cette clef ? A la mairie ? Chez vous ? Chez votre secrétaire ? Mystère ! On se casse le nez à la porte du hangar, et pendant ce temps le feu gagne...
Comme d'habitude, nous avons fait appel aux pompiers de Quimperlé qui, en braves gens, sont venus, et ont commencé à combattre les flammes malgré votre opposition : car on avait oublié de vous soumettre un projet de réquisition et dame... il vous faudra... pardon... il nous faudra payer le déplacement qui n'a pas été ordonné par vous... Cela, nous le ferons de grand coeur... car soyez-en persuadé, ce déplacement aura été plus utile que l'achat d'un rouleau municipal (qui ne sert qu'aux communes voisines), que l'emplette d'un tonneau d'eau sur roues (qui lui, vous le savez bien, sert à un tout autre usage... ou que la note des frais afférents à vos démêlés avec les marchands de beurre.
Un groupe de Moëlannais, qui aspirent à leur sécurité.
--------------------------------------------------------------------------------
Ce n'est qu'après trois heures de travail que l'incendie éclaté vers 23 h. 45 a pu être éteint. La pièce où le feu a éclaté, est celle où l'on repasse les vêtements confectionnés, mais les fers sont chauffés au charbon de bois au rez-de-chaussée dans la cuisine. Cette pièce est éclairée à l'électricité. Mme Guiffant, femme du tailleur sinistré, s'y était rendu dans la matinée avec un électricien des Forces Motrices de l'Ellé, qui posa des abat-jour aux lampes. La nièce de M. Guiffant y fut aussi, vers 9 h. 30, pour repasser une robe, mais les fers étant froids, ce travail ne put être fait. M. Guiffant, ses trois ouvriers, son apprenti ne fument pas. M. Le Guif, contre-maître des Forces Motrices, secteur de Moëlan, ne peut dire si le sinistre est dû à un court-circuit, le fusible aérien de protection de l'immeuble a fusé normalement. Les fers laissés par Mlle Courant, dans l'atelier, contenaient bien, au moment de l'enquête, un peu de braise ; mais ils étaient hermétiquement fermés.
M. Guiffant est très bien considéré dans la commune et d'autre part, on ne lui connaît pas d'ennemi. Ses pertes, 200 000 francs de marchandises, 150 000 d'immeubles sont couvertes pour une somme globale de 527 000 francs, dont moitié à la Mutuelle du Mans, et l'autre au Finistère. Son voisin, M. Le Corre, aussi marchand tailleur, perd 3 000 fr de marchandises, il est assuré également à la Mutuelle du Mans pour une somme de 46 000 francs.
--------------------------------------------------------------------------------
Nous recevons d'autre part :
Quelques réflexions s'imposent au sujet de l'incendie qui a détruit l'importance maison de M. Guiffant.
Peut-on admettre qu'une agglomération de l'importance de Moëlan peut devenir la proie des flammes sans qu'on ait songé à aucun moyen sérieux de protection ? et si l'on prétend posséder une pompe (c'est une seringue), qu'aucune disposition ne soit prise, qu'aucun rôle ne soit réparti en cas de sinistre ,
Le feu se déclare au second étage d'un bâtiment et toute la population doit assister impuissante à une destruction totale.
Bagatelle qu'un incendie ! Les compagnies d'assurances ne sont-elles pas là ? Laissez donc brûler, idiots ! Des réflexions de ce genre émanent de certains personnages, des protestations contre l'intervention de la pompe de Quimperlé ça vous renverse ! C'est scandaleux, c'est criminel. Le beau rôle n'a pas été joué par tous ceux dont on était en droit de l'attendre.
Enfin, maintenant M. Le Louédec étant député, espérons que la municipalité aura des loisirs pour penser à un bon matériel d'incendie ne fût-ce que pour protéger le futur palais scolaire au coût d'un million et demi.