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Les lieux-dits de Moëlan
Laurence Penven (janvier 2023)
E - Les maisons de « Kermeurzach-Brigneau » puis « Beg ar lann »
Note : les années suivies de l’astérisque * sont des années relevées sur les cases des impôts fonciers. Ce sont les dates à partir desquelles (ou jusqu’auxquelles) les impôts sont dus ; ce ne sont pas les dates exactes de début ou de fin de propriété, il faut en général compter 3 ans de décalage.
L’histoire des quatre premières maisons de « Kermeurzac'h-Brigneau », comme on a pu appeler ce quartier au-dessus de la rivière (1), est lié à celle des sardineries et de la pêche. Elles furent construites entre 1868 et 1935*.
1 - L 1194 (actuellement 30, Route de Beg ar lann)
Les toutes premières constructions érigées sur cette parcelle sont celles de l’usinier Alain de Tinténiac, qui, en octobre 1868, avait acheté aux consorts Le Doeuff, Jean François (1806-1881), François (1843-1929) et Marie-Françoise (1850-1904), une lande appelée « Lannec stang canap » (La petite lande du douet à rouir le chanvre) (L 1194) et un pré, Prat stang canap (L 1195). [B-1868-295]
En bordure de la rivière, face à l’usine de M. Ouizille, Alain de Tinténiac fait construire une presse à sardines, avec magasins et maison. Alain Bellec décrit ainsi l’ensemble : Le bâtiment principal était composé d’une maison d’habitation à un étage, de magasins et d’ateliers servant à la presse, à la salaison de la sardine et à l’armement des bateaux de pêcheurs. Séparés de ces bâtiments, une écurie, une remise sous greniers, et une fontaine couverte dans la cour. (2)
Plan avril 1870
Plus en hauteur, en bordure du chemin, il fait construire sa maison d’habitation. En 1872 il y habite avec sa famille, une cuisinière et une ravaudeuse.
La maison adjacente à l’usine est alors occupée par François Simonou (1831-1886), cabaretier, tisserand, marin pêcheur, qui y vit avec sa femme, Marie Jeanne Neveu (1831-1918), filandière, et leurs quatre enfants.
Dès 1874, l’ensemble presse et maisons est vendu à un autre usinier, Auguste Ouizille, propriétaire de la presse à sardines située sur la rive opposée du port.
- Maison en bordure du chemin (maison A sur le plan) :
Auguste Ouizille se sépare un an après, en 1875, de la maison d’habitation située sur la hauteur, qu’il vend à Julien Le Delliou (1851-1879), marié à Marie-Josèphe Favennec. L’acte de vente la décrit ainsi : une maison couverte en ardoises ayant de long à deux longères onze mètres soixante centimètres environ, avec ses deux pignons des nord et midi, ouvrant au levant sur terrain ci-après, ladite maison isolée composée d’un rez-de-chaussée et d’un grenier au-dessus [B-1875-024]. Il s’agit de la maison « A » sur le plan ci-dessous.
La vente est faite sans pouvoir prétendre à aucun droit de servitude sur le reste ou le surplus de terrain du sieur vendeur et en outre à la condition formelle et sans laquelle ladite vente n’eut pas eu lieu, de boucher la porte et autres ouvertures existant dans la façade ouest de ladite maison.
Aucun accès direct à la rivière, ni vue sur l’usine et son activité.
Julien Le Delliou est boîtier ferblantier, sans doute à la presse de Kermeurzach. Mais celle-ci ne va fonctionner qu’à peine une vingtaine d’années. Les contributions directes la considèrent démolie en 1889*.
Dès 1881 le préfet du Finistère avait proposé à Auguste Ouizille de racheter son établissement pour en faire une école de hameau.
En séance extraordinaire du 16 octobre à 8 heures du matin, le maire, Jean-François Orvoën, soumet de nouveau au conseil municipal une proposition déjà faite en séance du 27 août dernier relativement à l’école à créer à Brigneau dans les bâtiments construits par M. De Tinténiac sur la rive gauche de la rivière. Dans ce projet, la construction d’une passerelle pour la traversée de la rivière, au lieu d’une jetée, qui sera dangereuse pour les enfants qui viendront à cette école du côté de la rive droite où est l’agglomération.
Avec la promesse de vente d’une propriété par Monsieur Lagillardaie, le conseil municipal présidé par le maire, avalise le principe de la construction d’une école au lieu-dit Brigneau. Un premier devis qui s’élève à 19 103,81 francs est daté du 10 août 1881.
Le projet n’ayant pas abouti, l’école fut construite quelques années plus tard à Kerouze.
La maison sera ensuite vendue sur adjudication en 1893 à François Hervé (1842-1914), de Kervéligen. Celui-ci la revend en 1911 pour 3600 francs à Joseph Favennec (1868-1931), deuxième maître canonnier, marié à Françoise Lozachmeur. [B-1911-064].
François Hervé habitant à Kervéligen et Joseph Favennec au cœur du village de Kermeurzac’h, la maison était vraisemblablement occupée par des locataires.
En 1913, Joseph Favennec revend à Louis Guinguéno (1870-1949), marin pêcheur et petit-fils de douanier, pour 900 francs, une maison couverte en ardoises ayant ses deux pignons dont celui côté du nord à cheminée, ouvrant au levant sur sa cour en droit. [B-1913-071]
En 1958*, son fils Adolphe (1910-1972), marin de commerce, vend la maison à Victor Billette (1898-1973), d’Orléans. Elle sera ensuite encore revendue.
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En arrière-plan la maison de l’usinier Alain De Tinténiac ; au premier plan, Amzer Gaër, sardinier, patrons Alfred Orvoën (1905-1965) puis Maurice Orvoën (1931-1996) et Langouste, patron Joseph Marie Kerforn (1911-1979). |
- Maison mitoyenne de la presse (maison B sur le plan) :
La maison mitoyenne de la presse est vendue à François Simonou (1831-1886), fils d’un cabaretier de Kerroch originaire de Lanriec, lui-même cabaretier, tisserand, marin pêcheur. En 1876 il y vit avec sa femme, journalière, et leurs enfants ainsi qu’une fileuse, Anne Prima, originaire de Trégunc. Mais il meurt en mer en 1886.
La maison va connaître ensuite plusieurs propriétaires qui se succèdent rapidement : il s’agit tout d’abord en 1889* de Jean François Guennou (1862-1898), ferblantier. Ce dernier avait passé un contrat d’apprentissage avec Auguste Ouizille en 1880 [B-1880-067], puis était devenu marin pêcheur. Il décède lui aussi en mer en 1898. Ensuite, pour deux ou trois ans seulement, la maison appartient à la veuve de Louis Postec, née Le Floc’h, de Quimperlé. Le dernier propriétaire en sera en 1898*, Alain Sellin (1850-1901), originaire de Riec, cabaretier et aussi journalier à la sardinerie Chancerelle dont le gérant est alors M. Bétembot.
En 1907* la maison est considérée comme démolie (matrice des propriétés bâties).
A gauche, le mur de l’ancienne presse à sardines
Boîtier, ferblantier, cabaretier... autant de métiers liés à la présence des usines et à la vie des pêcheurs. De Tinténiac, Simonou, Guennou...autant de noms nouveaux à Kermeurzac’h, autant de familles nouvelles, qui n’appartiennent pas au milieu de l’agriculture.
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Presse |
Maison adjacente à la presse |
Maison d’habitation |
Propriétaires |
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1868-1874 |
Alain de Tinténiac |
Alain de Tinténiac |
Alain de Tinténiac |
1874-1875 |
Auguste Ouizille |
Auguste Ouizille |
Auguste Ouizille |
1874-1889 * (démolie) |
Auguste Ouizille |
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1875-1893 |
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Julien Le Delliou, puis sa veuve, Marie Josèphe Favennec, remariée Tanguy |
1882* |
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François Simonou |
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1889 * |
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Jean François Guennou |
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1893 |
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François Hervé |
1895 * |
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Vve Louis Postec, née Le Floc’h |
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1898 *- 1907 * (démolie) |
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Alain Sellin |
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1911 |
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Joseph Favennec |
1913 |
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Louis Guinguéno |
1951 * |
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Adolphe Guinguéno |
1958 * |
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Victor Billette |
2 - L 1174 (actuellement : 34, Route de Beg ar Lann)
La seconde maison est construite peu de temps après la presse à sardines et la maison d’Alain de Tinténiac, sur une lande appelée Parc mar, que Jean Orvoën (1837-1920), de Kermoguer, vend à Jean François Quentel (1844-1917), de Kernon Largoat, le 20 décembre 1868. [B-1868-376]
Jean François Quentel y ouvre un cabaret, qu’il va tenir jusqu’en 1878 où il le vend à son beau-frère François Favennec (1826-1917), de Kerouant, marié à sa sœur Marie Vincente. [B-1878-100]. Il est intéressant de constater que, dans les esprits d’alors, ce quartier de Kermeurzac’h est considéré comme faisant davantage partie de Brigneau. L’acte notarié précise en effet que les immeubles sus-describés sont situés aux dépendances de Kmeurouzac'h quoique se trouvant aux issues de Brignaux.
(L’expression de « Kermeurzac’h-Brigneau » semble avoir perduré longtemps, même jusqu’à nos jours où on peut encore parfois l’entendre).
Ensuite propriété d’Anne Rose Favennec (1869-1944), mariée à Philibert Tanguy, de Kersécol, la maison, couverte en ardoises, isolée au bord de l'anse de Brigneau, est revendue en 1904 à Laurent Colin (1856-1932), marin pêcheur. [B-1904-145]
François Favennec habitant à Kerouant et sa fille à Kersécol, on peut penser que cette maison était occupée par des locataires entre 1878 et 1904.
Le 3 avril 1921 [B-1921-094] Laurent Colin et son épouse Louise Loarer (1861-1949) font donation de leurs biens à leurs enfants. Leur fils Louis (1890-1923), marié à Pauline Couric (1887-1935), hérite de la maison.
En haut à gauche, la maison sur L 1174, Parc mar
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Pauline Couric |
La maison, vue par Emile Jourdan (1860-1931) en 1916 |
Une dizaine d’années plus tard un débarcadère sera construit en dessous de la maison, avec un escalier d’accès à proximité.
A la fin des années soixante, la maison est vendue à Jeanne Huot, de Paris. A cette époque, une nouvelle maison est construite pour Edmond Poëdras (1909-1993) sur une partie de la même parcelle de terrain.
L 1174 |
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1868 |
Jean François Quentel |
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1878 |
Marie Vincente Quentel x François Marie Favennec |
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1895 * |
Favennec Anne Rose x Tanguy Philibert |
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1904 |
Laurent Colin x Louise Loarer |
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1921 |
Louis Colin x Pauline Couric |
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1969 * |
Jeanne Huot |
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Maison d’Edmond Poëdras en construction à côté de la maison de 1868 |
3 - L 1205 (actuellement : 28, Route de Beg ar Lann)
Enfin, la dernière maison est celle que fait construire Célestin Haslé (1905-1947) en 1935* sur la parcelle de lande L 1205, dite Lannec stang Haliguennou (des saules), ayant appartenu à son père, Jacques.
Au recensement de 1926 Célestin Haslé (21 ans) est déclaré voilier, ayant Orvoën pour patron. Ce ne peut être que Louis Orvoën, voilier à La Digue (Malachappe), frère de l’usinier Joseph Orvoën.
Célestin Haslé va donc développer une activité de voilier, liée à celle de cabaretier et aussi de marin pêcheur ; il possède un bateau, l’Isolé. Le bistrot connaît une intense fréquentation au retour de la pêche où vont bon train les commentaires sur les prises du jour ou le temps qu'il fera le lendemain.
C'est là aussi que sont installées des chaudières pour le tannage des sennes en coton.
En 1945, la maison est agrandie.
L’endroit est alors nommé Beg ar land (Brigneau) (3)
En arrière-plan la maison de Célestin Haslé
L’établissement, surnommé « Le Bon coin », connaîtra plusieurs gérants après le décès de Célestin Haslé : dans un premier temps, sa fille Eliane (1939-), mariée à Moïse Kermagoret, mais aussi Marie Anne Garrec (1901-1973) et son époux Auguste Le Gac (1894-1975), Maria Bacon (1923-1973), épouse de Josias Kerforn (1922-1977). Et enfin Yvon Furic (1915-1971).
La maison est vendue en 1968 aux époux Georges Paulet et Chauffin, de Douarnenez.
L 1205 |
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Propriétaire |
Gérant |
1935* (construction) |
Célestin Haslé |
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1947 |
Eliane Haslé |
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Marie Anne Garrec x Auguste Le Gac |
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Maria Baccon |
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Yvon Furic |
1968 (vente) |
Georges Paulet |
(1) Terme apparu au recensement de population de 1872.
(2) Bellec Alain, Moëlan-sur-mer au fil des rues et des sentiers, Liv’éditions, Le Faouët, 2013, p. 170.
(3) Case administrative 1484, années 1911-1969.