Patrimoine
Patrimoine vernaculaire
Le sémaphore de Beg-morc'h
Jacques Noël
Episode 2 : Visite aux archives de la marine de Lorient
Après une première visite infructueuse aux archives de Lorient (Marine) où aucune trace n'avait été trouvée, lors de la seconde nous allions être plus chanceux.
Comme les mots-clefs comme Beg Morc'h, sémaphore Moëlan etc. ne donnaient aucun résultat dans la base de données une recherche manuelle s'imposait .
Au gré de notre inspiration nous demandions dossiers après dossiers les boites pour consultations.
Alors que plus de 2 heures de recherches n'avaient rien donné, par un heureux hasard nous tombions sur un dossier (K3 39 a) : Sémaphores du 3ème arrondissement maritime de Lorient.
Et dans ce dossier la liste des 10 sémaphores avec celui de Beg-Morg en tête !!! Quel heureux hasard.
Quelle chance aussi car une petite note associée à Beg-Morg précise que les documents associés à ce sémaphore aurait été transféré à Brest en mars 1922 ...
Ce projet de construction de 110 nouveaux sémaphores pour ma marine impériale s'est décidé au niveau national en 1860.
Dans le cadre de l'arrondissement maritime de Lorient 10 nouveaux sémaphores verront le jour de Lorient jusqu'à la pointe de Trévignon.
Un document produit par les services hydrauliques de la Marine (Maître d’œuvre) est donc rendu disponible pour déployer l'appel d'offre auprès des entreprises.
Tout cela va prendre un peu de temps pour le sémaphore de Beg Morg. Seulement le 29 juin 1887 nous retrouvons des documents sur l'adjudication de 2 sémaphores : Beg Morg et le Grand Mont (Saint Gildas de Rhuys, Morbihan). Ces 2 sémaphores seront construits comme deux constructions jumelles sur les mêmes plans de l'ingénieur de la Marine de Lorient C. Allard.
En fait, les 10 sémaphores construits seront pratiquement identiques à quelques détails près en fonction de la topologie du terrain (pour information, dans cette liste, nous trouvons celui du Pouldu qui en fait est localisé sur les hauteurs à Guidel Plage).
Donc dans ce dossier pour la première fois nous avions accès réellement aux plans de construction du sémaphore. Un extrait du cadastre (parcelles 1495 et 1496) nous donne exactement l'emplacement du terrain à Kerabas et sur lequel existait bien un corps de garde (les dimensions nous confirment un bâtiment un peu plus petit que celui Merrien).
Un plan de masse détaillé nous donne toutes les informations (dimensions, nombre de bâtiments …) y compris les implantations du puits du paratonnerre, de la citerne et du mât de signaux extérieur au sémaphore. Dans les bâtiments extérieurs, une étable est indiquée sur la partie ouest du sémaphore.
Le bâtiment principal est une structure assez simple en T où la salle de veille en demi-cercle était orientée sud 15 m au dessus du niveau de la mer. Le puits du paratonnerre se trouve à environ 16 m au sud ouest de la partie sud du sémaphore et le mât de signaux est implanté à 10 m au sud est .
L'étable au nord ouest, une citerne au nord et l'ancien corps de garde en granit complètent l'ensemble entouré par un mur de pierre avec un portillon à l'est du corps de garde.
Si vous vous rappelez l'épisode 1 et la description de Joseph Le Bourhis, il est étonnant de voir la précision des détails donnés par Joseph plus de 70 ans après !!!!
Dans ce dossier, la découverte de plans de certains détails sont très intéressants :
Le mécanisme imposant de la base du mât principal articulé (celui qui sort du toit), avec son tablier circulaire pivotant grâce à des galets se déplaçant sur une base en granit. | Un autre élément intéressant encore visible de nos jours, le puits du paratonnerre qui protégeait le sémaphore et ses mâts des orages fréquents. Ce puits faisait 11 m de profondeur ! |
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Autre élément caractéristique d'un sémaphore, son mât de signaux extérieur (15 m environ) dont parlait Joseph Le Bourhis. Ce mât était tenu par 4 haubans solidement « ancrés » au sol. A ce sujet regardez bien le croquis de description de ces ancrages.
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Avec ces documents retrouvés nous pouvons estimer la date de mise en service du sémaphore, soit entre fin 1887 et 1888. Des documents sur le suivi des travaux par le contremaître Anselot et le chef ouvrier Le Dayo sont bien documentés dans les échanges du 4 octobre 1887 au sujet de la rémunération des indemnités du personnel.
Quant au recensement de 1889, il nous donne précisément les noms du premier guetteur (Jacques Noël de Bangor, Belle-Ile) et de sa famille présents à Beg Morg.
Beg Morg faisait partie des derniers sémaphores de cette liste de 10, construits entre 1865 et 1888 le long des côtes du Morbihan jusqu'au début du Finistére .
Cette photo prise récemment du sémaphore du Pouldu (Guidel) nous donne assez précisément l'allure du sémaphore et de l'ancien corps de grade de Beg Morg (frères jumeaux).
Dans un prochain épisode nous décrirons la vie au sémaphore, les naufrages et l'évolution technique des communications jusqu'à l'arrivée des Allemands en 1942 .
Charpente de la salle de veille avec le passage du mât dans le toit (Pouldu)