Patrimoine
Patrimoine vernaculaire
Les fours
Les fours à pain
Laurence Penven (juillet 2021)
Les anciens fours à pain
Il existe encore à Moëlan quelques anciens fours à pain, vestiges d’une époque révolue où l’on portait sa pâte à cuire au fournier.
Les ouvrages et articles sur ces anciens fours sont nombreux. Notre propos n’a pas pour objectif de les concurrencer, mais seulement de faire une description des fours qui, à notre connaissance, existaient à Moëlan autrefois.
Les fours à pain sont de deux types : les fours isolés, qui sont la majorité des fours, et les fours adossés à une maison, appelée alors maison à four, ou ti forn. En 1832, la majorité des fours sont des fours isolés.
Sous l’Ancien régime les seigneurs faisaient édifier les fours à leurs frais. L’ensemble de la seigneurie était dans l’obligation d’utiliser ces fours banaux, moyennant une taxe. L’exploitation du four était affermée à un fournier qui s’occupait spécialement de la chauffe et de la cuisson. Il fallait 24 h pour chauffer le four, la chauffe devant se faire par pallier, pour éviter une surchauffe dévastatrice. Genêt, ronces, ajonc, bois d’élagage..., tout ce qui était sec et bon à brûler était mis en fagot pour servir de combustible.
Le planning des cuissons était bien défini, à tour de rôle entre les habitants du hameau.
André Jolly (1882-1969), Le Four, hst, 1909 (Près de Névez)
Joseph Rouat (1773-1828), Pierre Rouault (1755-1803), Jacques Querlou (1769), étaient fourniers au bourg avant la Révolution. Le recensement de 1836 indique qu'il y a deux boulangers, Jean Louis Doussal (45 ans) et Jean Capitaine (43 ans), un apprenti, Jean Maurice Jouan (13 ans) et deux fourniers, Thomas Riou (48 ans) et François Marrec (26 ans), fils de François Marrec, fournier également et descendant d'une lignée de meuniers.
Parmi les fours existant avant la Révolution, on peut citer celui de Kerlassé, [terrier Jeanne de Kerméno] et celui du manoir de Kerlouarnec, qui était adossé à un ti forn [terrier François de la Pierre], le ti forn du manoir de Kertalg. Visibles encore de nos jours, le four isolé des Grandes Salles, celui de Kerchoise, le four adossé de Kermoguer, de Kersel, l’un des fours de Kervignac, celui du Moulin du Duc.
Lors de la vente de biens nationaux du 11 mars 1791, une maison à four avec jardin et cour est attribuée à Yves Le Galguen (1777, Quimperlé-1837, Bélon), qui habite au bourg en 1806, puis sera garde-côtes et douanier au Bélon.
Après la Révolution, la plupart des fours banaux sont devenus des fours communs.
Beaucoup de fours furent construits après la Révolution, à la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle.
En 1832, environ 130 fours sont représentés sur le plan cadastral. Il convient d’y ajouter une vingtaine d’anciens fours alors déjà disparus, mais dont on trouve la trace dans le nom de parcelles contenant forn [four]. En outre, de nouveaux fours vont être construits. C’est le cas par exemple au village de Kerduel où la famille Fauglas achète un courtil en 1851 pour y construire un four [1851-157].
Presque tous les villages possèdent un, voire plusieurs fours à pain. La plupart de ces fours sont des fours isolés, les fours adossés à des ti forn représentent environ le cinquième de la totalité.
Lorsqu’ils sont isolés, les fours sont construits à l’abri des vents dominants, souvent au centre du village, soit sur un commun de village (dachen), soit sur une aire à battre (leur), et peuvent être en indivision entre plusieurs propriétaires. C’est le cas, par exemple, en 1853 [1853-61] du four de Kervétot, lors d’une donation-partage entre les enfants de François Capitaine (1775-1857) ; de celui de Coat-Savé, [1853-142] ; en 1889, de celui de Kerchiminer, bâti en pierres communes, couvert en terre, donnant du nord sur un verger, du nord-est sur Prat Dachen, du midi sur route menant au village. Ce four est indivis entre Jean Marie Guillou, Joseph Tanguy, Joseph Perron et Joseph Bourhis, tous cultivateurs au village de Kerquiminer. (1)
Demi cercle |
Demi-cercle adossé à un carré |
Cercle |
Représentation des fours sur le plan cadastral de 1832 |
L’orientation de leur ouverture, ou bouche, diffère d’un village à l’autre. L’orientation ouest semble être moins répandue, sans doute à cause du vent dominant. Lors de la cuisson, la fermeture de cette bouche est assurée par des pierres qui en épousent la forme : deux pierres de forme ogivale (Kersel) ou une seule pierre arrondie (Kerdianou). Les fours les plus anciens seraient ceux dont l’ouverture est composée de deux blocs debout, évidés, appuyés l’un contre l’autre, formant une ogive. (Grandes Salles, Kerchoise, Kersell, Ménémarzin). L’autre type d’ouverture est en plein cintre ou en demi-cintre, comportant une pierre monolithe taillée en arrondi plus ou moins prononcé sur le haut, reposant sur deux pierres debout. Les fours possèdent un œilleton insolite, placé au-dessus de l’ouverture, et qui suscite beaucoup d’interrogations. Il s’agit du « trou d’évent », dont le rôle est de soulager la pierre monolithe par une circulation d’air favorisant un sensible refroidissement. (2)
Souvent, une niche à cendres est prévue sous la table d’autel. Un trou ou une fente est alors percé dans la sole à l’avant du four, ou parfois dans la pierre d’autel, pour évacuer les cendres avant la cuisson.
Autour de ces fours isolés étaient souvent construits des murs recouverts d’une toiture rudimentaire faite de paille, et qui servait d’abri, notamment au fournier. (Kerzeller, Clec’h Moën). Une construction plus solide pouvait aussi exister, comme devant le four de Kerel, de Kerchoise, du Moulin du duc ; cette construction permettait le stockage des fagots nécessaires à la cuisson.
La particularité architecturale des fours isolés de Moëlan est la présence d’une longue dalle en surplomb de l’ouverture, en guise d’auvent, rendant la façade comme enfoncée dans l'avant du bâti. Cette cavité servait en réalité à abriter ses utilisateurs des vents dominants ou de la pluie en hiver.
On trouve parfois la présence de corbelets (Kertanguy, Kerseller, Ménémarzin).
Au hasard d’actes notariés et d’articles de presse du XIXe siècle, nous apprenons par exemple, que :
- en 1850 une ruine de maison à four, nommée ti forn dézéritet, située à Kerambellec, est vendue avec les pierres s’y trouvant ; [1850-217]
- en 1852 est vendu pour soixante francs, le ti forn de Kernon Largoat, ayant deux pignons avec sa portion de cour vis-à-vis [1852-042]
- en 1862 le four du Lonjou est en indivision [1862-356]
- en 1889 un cinquième d’un four en indivision est vendu avec la propriété de Kerchiminer [15 mai 1889]
- en 1904 une petite propriété avec four est mise en vente à Keranpellan [17 avril 1904]
Enfin, un inventaire de mars 1852 [1852-84], après le décès de Marie Jeanne Le Flo (1824-1852), épouse d’Yves Caéric (1817-1879), boulanger et cabaretier, nous renseigne sur le contenu d’une maison à four, située au bourg, et qui comportait un étage.
De tous ces fours, que reste-t-il aujourd’hui ? Au cours des opérations de remembrement des années 1960, beaucoup de fours ont été détruits, pour laisser le passage à de nouvelles routes, ou pour permettre leur élargissement. On peut citer le four de Kermoal, de Kergotter, du Lannic, de Plaçamen... la liste en serait longue. Il ne reste souvent plus grand-chose des fours adossés à des maisons, mais il arrive que les ti forn eux-mêmes existent encore, parfois réhabilités en gite rural, comme au Guilly (Kertalg).
Parmi la vingtaine de fours encore présents sur le territoire de la commune, certains ont été restaurés, comme celui de Kerel, de Kereven, de l’ancien manoir de Damany, de Kersécol, ou bénéficient des bons soins de leurs propriétaires, comme à Kerdianou, Kersel, Ménémarzin, Kertanguy... L’actuel four de Kermen est un four importé de Riec, en 1990, et reconstruit par un ancien boulanger. D’autres fours, à l’abandon, agonisent sous un linceul de broussailles ou pansent leurs blessures sous un bâche de plastique, que l’on voudrait provisoire.
Liste des villages ayant un four isolé en 1832 :
Bélon, Clec’h Moën, Coat Savé, Cosquer, Damany (manoir), Damany (moulin), Grandes Salles, Kerabas, Kerancalvez, Keranderedel, Kerandrége, Kerandréo, Kerantorrec, Kerascoët, Kerbrézillic, Kercanet, Kercaradec, Kerchoise, Kerdianou, Kerdoualen, Kerel, Kereven, Kerglouanou, Kergolaer, Kergoulouët, Kergoustance, Kerguip, Kerhermen, Kerhuel, Keribin, Kerimel, Kerjégu, Kerliviou, Kermeur bras, Kermoal, Kernévinic, Kernijeanne, Kermoguer, Kerquiminer, Kerouer, Kerroc’h, Kerrouz, Kersaux, Kerscoazec, Kersécol, Kerségalou, Kerseller, Kervasiou Larmor, Kervasiou le bourg, Kervasselin, Kerveligen, Kervétot, Kervigodès, Kervilin, Kerviséven (village aujourd’hui disparu), Lanbeurnou, Lannic, La Villeneuve, Lonjou, Mescléo, Penanprat, Plaçamen, Poulvez, Quililen, Saint-Guénolé, Toul an coat, Toul an porz, Tréfarn, Trogan.
Villages possédant plusieurs fours en 1832 :
Bourg de Moëlan, Chef du bois, Blorimond, Kerambellec, Keranpellan, Kerduel, Kergotter, Kerguillaouët, Kermeurzac’h, Kernon Largoat, Kernon larmor, Kersel, Kersolf, Kervignac, Kervignès, Keryoualen izel, Keryoualen uhel, Le Clec’h, Ménémarzin, Saint-Cado, Saint-Thamec.
Les fours adossés à un ti forn sont à :
Bourg, Blorimond, Chef-du-bois (manoir), Coat-Savé, Cosquer, Le Guilly, Kerambellec, Kerel, Kerchoise, Kergotter, Kerguillaouët (2), Kerjégu, Kernon Largoat (2), Kernévinic, Kerscoazec, Kersécol, Kervignac, Keryoualen izel (2), Lanbeurnou, Lonjou, Saint-Cado. (2).
D’autres fours ne sont pas représentés sur ce plan cadastral, mais des parcelles s’appelant liors ar forn, prat ar forn, tal ar forn, parc ar forn..., témoignent de leur existence à : Kertanguy, Kerlassé, Kerbruillé, Penanster, Trélazec, Kerherou, Parc mon bail, Kerdaniel, Kerguévillic, Kerdoussal (ou Keribin bihan).
(1) Journal Le Finistère du 15 mai 1889
(2) Le Guirriec Pierre, Fours en granit et pains de campagne en Basse-Bretagne, 2010
Les notices de la page suivante sont de Pierre Le Guiriec, petit-fils de fournier et fils de boulanger, que nous remercions vivement. Pierre le Guiriec est aussi l’auteur d’un ouvrage sur les fours, Fours en granit et pains de campagne en Basse-Bretagne, imprimé en 2010, dans lequel nous avons trouvé maints détails constituant une aide précieuse à la rédaction de cet article.