Patrimoine
Patrimoine vernaculaire
Le sémaphore de Beg-morc'h
Jacques Noël (juillet 2019)
Episode 3 : La vie au sémaphore
3.1 Les guetteurs
Le tableau ci-dessous a été constitué avec les éléments des recensements jusqu'en 1936.Au fil du temps une ou deux familles y vivaient.
1889 |
Jacques Noël, 1861 Groix, Guetteur |
1911
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Martin Matelot, 1864 Bangor (Belle-Ile), Chef guetteur |
1891
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Eugène Gouzerch, 1846 Ploemeur Chef guetteur (gardien 1888-1891) |
1921 | Martin Matelot, 1864 Belle Ile, Guetteur |
1896 |
Pierre Laurent Mexer, 1854, Chef guetteur | 1926 | Louis Audren, 1885 Moëlan, Guetteur et pêcheur |
1901
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Jean-Marie Even, 1873, Chef guetteur Joseph Pennec, 1878 Clohars Carnoet, Guetteur |
1931 | Louis Audren, 1885 Moëlan, Guetteur et pêcheur |
1906
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Joseph Pennec, 1867 Clohars-Carnoët, Guetteur Alexis Corpmat, 1885 Plougoumelen, Guetteur auxiliaire |
1936 | Louis Audren, 1885 Moëlan, Guetteur et pêcheur |
Quelques histoires de guetteurs ayant séjourné à Beg Morg
Martin Le Matelot (recensé au sémaphore de Beg Morg à partir de 1911)
L’histoire de ce guetteur Martin Le Matelot n’est pas très connue à Moelan et la presse agricole et maritime de l’époque s’est chargée de nous en laisser la trace.
25 décembre 1916 (L'Union Agricole et Maritime)
Moëlan. - Prix de l'Académie Française. - Nous sommes heureux d'avoir à féliciter vivement M. Le Matelot, patron au bornage à Moëlan (Finistère) pour sa méthode pratique de détermination du point près des côtes. Un prix de 1000 francs lui a été attribué.
L'instrument employé à cet effet comprend essentiellement une équerre à trois branches, munie d'une planchette en bois, sur laquelle est appliquée une rose des vents. Son auteur est un modeste patron au bornage qui, après avoir fait son service militaire dans les Equipages de la Flotte, en qualité de fourrier, entra dans le corps des guetteurs sémaphoriques.
Il a fait partie du corps des guetteurs jusqu’en 1912.
Le Pennec Joseph Marie (avec chapeau)
et son épouse Le Corre Marie Anne
Louis Audren, dernier guetteur avant l'arrivée des allemands en 1942
Louis Audren vivait avec sa famille (sa femme et ses 2 enfants Mathurin et Anette). Il était également pêcheur et sa femme couturière assurait la surveillance pendant son absence.
Ci-dessous les photos de Louis Audren avec sa famille prises à coté de la partie sud-est du bâtiment.
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Louis Audren, dernier guetteur du sémaphore |
Mme Audren devant le sémaphore de Beg-Morg |
Louis Audren, sa femme, sa belle fille et Bernard son petit-fils. |
3.2 Naufrages et torpillages au large de Beg-Morg
Les annales du sauvetage maritime et les journaux locaux relatent de nombreux naufrages, fortunes de mer ou faits de guerre dans le secteur de Beg-Morg. En voici quelques extraits.
22 septembre 1896 : Le père Mathurin
Moëlan. - Naufrage. - Une nouvelle catastrophe vient de plonger dans le deuil et la douleur la population de Moëlan.
Le bateau Père Mathurin, monté par 7 marins, sortait, le mardi 22 septembre, vers 10 ou 11 heures du matin, du port de Concarneau, à la suite de quelques autres bateaux, vraisemblablement pour faire la pêche, car la mer, au moment de leur sortie, paraissait assez calme.
Ces barques se trouvaient déjà entre les Glénans et Névez, lorsqu'une tempête effroyable s'éleva subitement. Un habitant de Kerdoualen, en Moëlan, qui se trouvait alors sur la côte, put voir un grand nombre d'embarcations rebrousser chemin et rentrer dans la baie de Concarneau. Quatre bateaux seulement, ballotés par les vagues en furie, semblaient se diriger sur Bélon, pour y chercher un refuge.
Pendant quelques instants, un épais brouillard les enveloppa et les cacha complètement aux yeux du spectateur. Quand le brouillard se dissipa, il n'en vit plus que trois. Il pensa aussitôt qu'une des embarcations avait dû sombrer. Ce n'était, hélàs ! que trop vrai. Le Père Mathurin était englouti, et son équipage livré à la fureur des flots.
Trois heures plus tard, un drame des plus émouvants se déroulait en face du sémaphore de Beg-Morg. Plusieurs personnes, qui se trouvaient sur le rivage, purent voir un pauvre marin cramponné à une épave et entendre ses cris de détresse. Cependant les vagues le poussaient vers la côte. Bientôt il n'était plus qu'à quelques brasses de la terre ferme. On lui jeta des cordes et on lui tendit une perche. Il allait la saisir, lorsqu'une vague d'une hauteur prodigieuse, le fit disparaître sous les eaux. Quelques instants après, la mer le rejetait sur le rivage, mais ce n'était plus qu'un cadavre. Sa tête avait été brisée contre un rocher, et il était à peine reconnaissable.
Ce malheureux s'appelait Mélaine Orvoën. Il laisse une jeune veuve et deux enfants, dont le plus jeune n'a encore que trois semaines.
Voici les noms des six autres victimes :
Le Bloa Louis, 47 ans, patron du bateau, quatre enfants ; Le Bloa Pierre, fils du précédent ; Robin François Louis, 25 ans, deux enfants ; Favennec François Louis, 23 ans, marié, sans enfant ; Guillou Jean Pierre, 23 ans, marié, sans enfant ; Fauglas Jean Marie, 13 ans, mousse.
Le bateau naufragé appartenait à M. Salin, de Bélon.
27 décembre 1899 : Sauvetage de l'équipage du trois-mâts terre-neuvier Rubens de Granville
Le 27 décembre 1899, dans la matinée, le sémaphore de Beg-Morg signalait qu'un navire n'ayant plus que son mât d'artimon était mouillé à 6 milles dans le Sud et demandait du secours.
Le vent, au S.S.E. d'abord, était passé au S.S.O., soufflant grand frais ; le baromètre, descendu à 731 millimètres, annonçait la tempête.
Le canot de sauvetage de la station de groix arme en hâte et prend le large. Il est environ midi ; la distance à franchir est considérable, le temps bouché, le navire en perdition invisible.
Après quatre heures d'une navigation anxieuse, il aperçoit tout à coup le Rubens à travers un voile de brume. Il ne peut songer à l'accister, car la mer le balaye de l'avant à l'arrière et la matûre brisée pend le long du bord. Trois amarres successivement filées cassent ; la quatrième tient bon et les 13 hommes formant l'équiapge du Rubens se laissent glisser dans le canot.
A ce moment la nuit approche sombre et brumeuse, on ne voit ni la terre ni les feux des phares, et le canot surchargé par les vingt-cinq hommes qu'il porte se relève difficilement à la lame. Il fuit devant la tempête dans la direction de L'Aven, en franchit avec hardiesse la barre rendue formidable par l'état de la mer, et, à sept heurs du soir, dépose à Pont-Aven les naufragés sains et saufs.
14 mai 1910 : Le Journal
16 septembre 1918 : Le SS Philmomel
Le SS Philmomel
Le torpillage du SS Philomel
L'équipage comprenait 40 hommes (26 Anglais, 13 Belges, 1 Russe) plus un pilote français. Il était commandé au moment de son accident par le capitaine Henry Wilson.
Il est torpillé sur le trajet en convoi de Londres à Bordeaux via Brest par l'UC 88 (3), commandé par Reinhard von Rabenau.
30 octobre 1922 : Le sécrétaire du Comité de Sauvetage
Hier, vers 17 heures, l'usine Béziers, de Doëlan, était avisée qu'un bateau se trouvait en détresse, au large de Beg-Morg ; l'information était donnée, par téléphone, de Brigneau (sémaphore de Beg-Morg) et du bateau de poste de Clohars.
L'alarme est donnée aussitôt et les canotiers rallient. Toutes les dispositions sont prises pour la mise à l'eau du canot ; aussitôt prêt, il fait route sur Beg-Morg, explore la mer à deux ou trois milles et ne voyant rien, rentre à Brigneau. Le chef guetteur du sémaphore indique qu'il s'agissait d'un thonnier faisant route à l'Est, à environ deux milles au sud de Beg-Morg et qui paraissait en détresse, mais n'avait fair aucun signal d'alarme. Le canot fait route dans la direction indiquée, signale sa présence en brûlant deux feux Coston.
Ne voyant rien et prévoyant que le thonnier en question avait rallier Groix, le patron du canot fait route sur Doëlan où il rentre vers 21 heures.
3.3 La base de vitesse
A partir de 1904 ce sémaphore de Beg Morg fut intégré dans la Base de vitesse « Glénan-Groix .
Carte maritime du secteur de Lorient montrant la limite ouest de la base de vitesse. On y retrouve les sémaphores de Beg Morg, Pouldu, Beg-Melen/Fort Lacroix (Groix) et Gavres. A cette époque les côtes de Moëlan faisaient parties du 3 ème arrondissement maritime.
3.4 Les inspections au sémaphore
Tout au long de la vie du sémaphore des visites d'inspection de la marine avaient lieu régulièrement.
Voici quelques extraits des visites annuelles des sémaphores :
Décembre 1919
7 mai 1920
9 Aout 1920
10 mai 1921
3.5 Evoluton de sémaphore de Beg-Morg
Une modification importante s'est passée très tôt après sa mise en service, l'arrivée du télégraphe .
Dans le journal du 10 janvier 1891 (Le Finistère) nous retrouvons la trace des améliorations réalisées au sémaphore de Beg Morg . Ce bureau télégraphique avait été ouvert en 1889.
« Télégraphie. - Améliorations réalisées. - Un bureau télégraphique a été ouvert en 1889, au sémaphore de Beg-Morg, situé dans la commune de Moëlan. »
Télégramme reçu à Beg Morg en 1914
Un télégramme envoyé en 08/1914 par Gabriel Goubin, directeur de l'école de Kerouze.lors de la mobilisation de la grande guerre.
Blog de son petit fils :
Incorporé au 2ème Régiment d’Infanterie Coloniale à Brest où il arrive le 3 août 1914, il est tout de suite détaché au 32ème RIC qui vient d’être créé, et envoyé à Maubeuge, ville fortifiée du Nord, située à quelques kilomètres de la Belgique, où il arrive vraisemblablement le 10 août.
Mon grand-père vit donc vraisemblablement sa situation avec sérénité, et il ne manque d’ailleurs pas, le 15 août, d’envoyer depuis Maubeuge un télégramme à sa femme pour la sainte Marie. (reçu au bureau de… Beg Morg à Brigneau!)…
Ce télégramme nous donne une trace du tampon d’envoi du centre télégraphique de Beg Morg.