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Les moulins
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Niché sur le ruisseau qui coule au creux du vallon entre les hauteurs de Pen an prat à l’est et celles du hameau de Kervéligen à l’ouest, le « moulin neuf » de Kervéligen aurait déjà existé en 1655, année où la dame Julienne Le Digoedec le déclare après le décès de son père, messire Charles Le Digoedec : le manoir du Damany [...], le moulin dépendant du manoir du Damany avec son étang et sa chaussée [...], autre moulin à eau estant aux environs du village de Kerbelligen avec son ruisseau et estang... (1) Par ailleurs, sur un ancien linteau de fenêtre, actuellement déposé, on peut encore lire cette inscription : « YVON LEGUENO A FAIT FER CET MOULIN L’AN 1673 ». Yvon Le Gueno (ou Le Guenou) était meunier au moulin voisin du Damany. En 1675, François de la Pierre, écuyer, seigneur des Salles, achète le domaine du Damany à la dame Julienne Le Digoedec. (2)
Moulin « neuf », parce que reconstruit sur l’emplacement d’un plus ancien moulin ? Parce que deuxième moulin à eau dépendant de la seigneurie du Damany ?
L’ancien linteau qui devait être sur une fenêtre de l’étage. En effet, l’orifice au bas du linteau était occupé par une potence permettant de hisser les sacs de grains.
Quelques années après, en 1679, un acte de simple féage liait François de la Pierre et la famille de Yves Harscoët qui devait payer une rente annuelle de dix-huit livres. Autre moulin à eau étant aux environs du village de Querbelleguen [Kervéligen] avec son ruisseau et étang possédé sous le déclarant à titre de simple féage par ladite veuve Yves Harscouet et leurs enfants pour payer de rente annuelle et féagère la somme de dix-huit livres payables à chaque jour de feste de Saint Michel vingt et neuvième septembre. [Terrier]
Ce moulin a ensuite été afféagé en 1694 par Guillaume de La Pierre à Yves Le Dren (1650-1730) qui doit en payer 4 livres de rente annuelle. Yves Le Dren et sa femme Anne Le Cordonner (1662-1728), meuniers auparavant au moulin de Kerimel en 1680 et en 1689 à Moulin l’Abbé, vont exploiter le moulin neuf pendant une trentaine d’années. En 1704 naît leur fille Sulpice (1704-1779), qui épousera le meunier Jacques Hervé (1695-1769), né au moulin de Poulvez. Ils succèdent à Yves le Dren, et seront au moulin jusqu’au décès de Jacques. Douze enfants naîtront au moulin neuf, entre 1723 et 1750. Certains, comme Marie-Catherine (1719-1794) et son mari Alain Lozachmeur (1729-), s’installent au moulin où naitront deux de leurs enfants, en 1749 et 1750.
En 1751, la rente foncière de 4 livres, due par la famille Le Dren, est déclarée par Armand François de La Pierre, au titre de l’impôt dit du vingtième.
Ensuite, pendant quelques années, les meuniers vont se succéder assez rapidement : en 1769, ce sont Jacques Le Doze (1733-1811) et sa femme Marie Uhel (1735-1776), qui seront ensuite meuniers au moulin de Kerascoët, puis en 1770, Yves Lolichon (1741-1787) et Anne Le Marrec (1748-1825), meuniers plus tard au moulin de la Villeneuve, et ensuite à Moulin l’Abbé, et quelques années seulement après, Jacques Guitton (1747-1816) et Louise Braban (1739-1789). Jacques Guitton est l’arrière-arrière-petit-fils d’Yves Le Gueno qui avait fait construire le moulin. Il était auparavant meunier au Moulin l’Abbé.
En 1832, le meunier est Julien Coantic (1776-1837), marié à la petite-fille de Jacques Hervé et Sulpice le Dren, Marie-Julienne Hervé (1778-1863). Ils étaient auparavant meuniers à Moulin L’Abbé. C’est la quatrième génération de meuniers depuis leur ancêtre Yves Le Dren.
Sur le plan cadastral, on distingue nettement le moulin, son bief (canal de fuite), sa chaussée, l’emplacement de la vanne, et l’étang d’une superficie de 13 ares, alimenté par le ruisseau qui dévale de Keryoualen.
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Extrait section U |
L’étang et sa chaussée en février 2021 |
Le propriétaire foncier en 1836 est Thomas-Casimir de Mauduit. Il a acquis la rente sur le moulin le 15 août. Elle s’élève alors à 4 francs que Marie-Julienne Coantic, devenue veuve en 1837, s’oblige, par un acte recognitif de 1846, à payer à Thomas Casimir de Mauduit. [Le Styr 1846-196]
Les enfants du couple Coantic, Emmanuel (1808-1884) et Jean-Marie (1811-1844), sont meuniers eux aussi en 1841, puis Emmanuel seulement avec sa mère en 1846. (3) Cette dernière décède en 1863. En 1872, un journalier, Pierre-Marie Morvan (1847-1914) aide Emmanuel Coantic. (4) Ce dernier s’était distingué dans sa jeunesse pour avoir participé au sauvetage de plusieurs personnes lors du terrible naufrage au Belon le 14 juillet 1833.
Le nommé Emmanuel-Marie Coantic, jeune homme habitant de la commune de Moëlan, s’est précipité à la mer, et il est parvenu, non sans efforts presque surnaturels, à enlever à une mort certaine une vingtaine de personnes. (5)
Le moulin de Kervéligen est un moulin modeste, comme tous les moulins à eau de Moëlan situés sur un cours d’eau autre que le Bélon. En 1874 le montant dû aux impôts n’est que de 50 francs, soit six fois moins que celui du moulin du Duc.
D’après l’un de ses propriétaire récents, le moulin aurait été mû à une époque par une roue « à pirouette », type de roue horizontale, que l’on trouvait souvent sur les petits ruisseaux dont le faible débit n’aurait pu rentabiliser des installations plus importantes. Pour activer cette « pirouette », il faut toutefois une bonne chute d’eau, de l’ordre de 4 mètres (6). De fait, la dénivellation entre la retenue et le bief est importante. Une roue à pirouette, quand elle est calée directement sur l’axe de la meule, tourne dans un bief passant sous le moulin. Au moulin neuf, la « pirouette » étant dans un canal extérieur au moulin, il fallait sans doute avoir recours à un système de renvoi d’angle et de courroies pour transmettre la force motrice à la meule.
A partir de 1875, il n’y a plus de meunier au moulin dont l’activité a cessé.
Emmanuel Coantic, dans un testament du 27 février 1876, lègue tous ses meubles et « deniers comptant se trouvant dans [sa] maison » à Marie-Françoise Hervé (1841-1919), l’épouse de Pierre- Marie Morvan, en récompense de ses services de domestique. Sa fille, Marie-Françoise Morvan, hérite aussi de quelques meubles. [1876-79]
Le moulin « neuf » aura fonctionné deux cents ans et aura connu cinq générations de la famille d’Yves Le Dren. Ensuite, entre 1881 et 1910, le moulin est occupé par la famille du charron Charles Pennec (1826-1901), puis par sa fille Marie-Josèphe, mariée à Louis Le Gall. Les propriétaires en sont alors Tanguy Marie Hervé (1813-1852), cousin d’Emmanuel Coantic, et sa femme Marie-Suzanne Guitton (1823-1887), puis leur petit-fils Jean-Louis Le Bloa. Marie-Suzanne Guitton, sept générations plus tard, est la descendante directe d’Yves Le Guenno, celui qui a « fait fer le moulin » en 1673.
Puis le moulin est déclaré en ruines en 1936.
En 1973, trois cents ans exactement après sa construction par Yves Le Guenno, le moulin est vendu par une de ses descendantes, de la dixième génération, Marie-Thérèse Favennec-Le Bloa à Philippe Le Doeuff, maçon. Aidé de son frère, maçon lui aussi, il va reconstruire le moulin et l’agrandir. Pendant les travaux, il remarque une pierre sur le pignon nord-ouest, avec ce qu’il pense être une petite gravure et qu’il compare à celle d’une pierre d’angle de fenêtre à Moulin l’Abbé où certains voient un symbole du Golgotha, d’autres suggèrent un ostensoir. Vue de l’esprit ou réalité ? Marque du maçon ? Le moulin de Kervéligen n’était pas, comme Moulin L’Abbé, un bien de l’Eglise, mais le prêtre Joseph Marie de La Pierre, en fut un moment le propriétaire en 1743 (7). Ou bien est-ce une allusion au nom de Kervéligen, de Ker an Bellegen, -pluriel de Bellec-, " village des Bellec ", ou " village des prêtres " ?
Gravure au moulin de Kervéligen |
Gravure au Moulin L’Abbé |
Après le décès de Philippe Le Doeuff en 1988, le moulin va changer encore trois fois de propriétaires. Il est, de nos jours, une belle demeure confortable, alliant charme et quiétude.
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Le pignon sud-est où s’appuyait la roue du moulin. La partie de droite est une construction récente due à Philippe Le Doeuff |
Le bief ou canal de fuite |
Vue d’ensemble, février 2021
(1) Meuric-Philippon, Gabrielle, Moëlan en Cornouaille, 1975. p.105
(2) Ibid. p.107
(3) Recensements de population 1841 et 1848
(4) Recensement de population 1872
(5) La Gazette du Languedoc, juillet 1833
(6) Wikipédia, article moulin à rodet (consulté le 10 mars 2021)
(7) Meuric-Philippon, Gabrielle, Moëlan en Cornouaille, 1975. p.107
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Propriétaire édificier ou preneur afféagé |
Meunier |
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1655 |
Propriétaire foncier : Julienne Le Digoedec |
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1673
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Yvon Le Guenou x Yvonne Chaperon |
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Construction du moulin |
1675-1694 | Propriétaire foncier : François de La Pierre | ||
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Veuve d’Yves Harscouet |
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1694-1619 |
Propriétaire foncier : Guillaume de La Pierre du Hénant du Talhouët |
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1694-1730 |
Yves Le Dren x Anne Le Cordonner |
Yves Le Dren x Anne Le Cordonner |
1ère génération Le Dren-Hervé-Coantic |
1723- |
Yves Le Dren x Anne Le Cordonner |
Yves Le Dren x Anne Le Cordonner |
2ème génération Le Dren-Hervé-Coantic |
1743 |
Propriétaire foncier : Joseph Marie de La Pierre du Talhouët, prêtre, docteur en Sorbonne |
Gravure de la pierre ? |
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1749 |
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Jacques Hervé x Sulpice Le Dren |
3ème génération Le Dren-Hervé-Coantic |
1751 | Propriétaire foncier : Armand François de La Pierre de Mélinville | ||
1751 |
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Jacques Hervé x Sulpice Le Dren |
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1769 |
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Jacques Le Doze x Marie Uhel |
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1770 |
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Yves Lolichon x Anne Le Marrec |
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1778 |
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Jacques Guitton x Louise Braban |
5ème génération Le Guenou-Guitton-Hervé-Le Bloa |
1832 |
Julien Coantic x Marie-Julienne Hervé |
Julien Coantic x Marie-Julienne Hervé |
4ème génération Le Dren-Hervé-Coantic |
1836 | Propriétaire foncier : Thomas Casimir de Mauduit | ||
1836 |
Julien Coantic x Marie- Julienne Hervé |
Julien Coantic x Marie-Julienne Hervé |
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1846 |
Marie-Julienne Hervé, veuve Coantic |
Marie-Julienne Hervé, veuve Coantic |
5ème génération Le Dren-Hervé-Coantic |
1872 |
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Emmanuel Coantic |
Dernier meunier |
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Il n’y a plus de meunier |
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1872-1875 |
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Pierre-Marie Morvan x Marie- Françoise Hervé |
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1878 |
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Alain Selin x Marie-Anne Le Delliou |
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Il n’y a plus de différence entre le foncier et l’édificier | ||
1882 |
Marie-Suzanne Guitton, vve Tanguy Marie Hervé |
Charles Le Pennec x Marie-Jeanne Henaff |
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1904 |
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Louis Marie Le Gall x Marie-Josèphe Le Pennec |
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1936 |
Jean-Louis Le Bloa x Marie-Thérèse Bacon |
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9ème génération Le Guenou-Guitton-Hervé-Le Bloa |
1944 |
Marie-Thérèse Le Bloa, épouse René Favennec |
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10ème génération Le Guenou-Guitton-Hervé-Le Bloa |
1973-1988 |
Philippe Le Doeuff |
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Reconstruction du moulin |