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Les moulins
Décembre 2020 |
Le Moulin neuf de Kerseller était situé sur la rive gauche du Bélon. Une retenue d’eau avec déversoir, bief et chute d’eau d’1,80 m faisaient tourner deux roues à palettes. (1)
Comme son nom l’indique, ce moulin n’était pas très ancien et n’existait pas au moment de la réformation du domaine royal en Bretagne et l’établissement du papier terrier de la juridiction de Quimperlé (1678-1682). Les terres concernées dépendaient alors de Garzerin, en Baye. Elles appartenaient en 1688 au domaine du roi, sous les seigneurs de Trédiec (Riec) René Hyacinthe de Coetlogon et sa femme Peronnelle Angélique de Villéon. En 1784, le seigneur en est René Pierre Anne Ameline de Cadeville de Trédiec. Ce dernier émigre après la Révolution et les biens sont mis aux enchères en tant que biens nationaux. L’adjudication du 26 fructidor an VI (12 septembre 1798), attribuera la « première tenue du lieu de Garsirin [Garzerin] » au meunier du moulin Nézet, en Riec, Pierre Le Pennec (1757-1804) et à sa femme Geneviève Ollivier (1756-1803) (2). Les terres sont situées au bord du Bélon, sur la partie du village de Garzerin devenue moëlanaise après la Révolution.
Pierre est fils, petit-fils et frère de meuniers. Il a plusieurs enfants, dont Pierre (1783-1847), François (1789-1830) et Joseph (1790-1861), eux-mêmes meuniers.
Au décès de leur père en 1804, Pierre, puis Joseph, vont reprendre le moulin Nézet, jusqu’en 1819 où il est vendu à Alain Limbourg. Les frères Le Pennec vont alors faire construire un nouveau moulin à quelques centaines de mètres en aval du moulin Nézet, mais rive gauche du Bélon, sur les prairies de Garzerin, appelées prat douar ar gô , le pré qui « fermente », gorgé d’eau. Le « moulin neuf » est né, appelé aussi « moulin de Kerseller », du nom du « village » le plus proche. Son histoire va être liée à celle du moulin Nézet et à celle de la famille le Pennec.
François Le Pennec (1789-1830) et sa femme Marie Jeanne Le Goaon (1790-1863), meunière et fille de meuniers elle aussi, s’installent au moulin neuf.
Construit après le 4 août 1789, ce moulin ne peut bénéficier des droits d’eau « fondés en titre » mais doit dépendre d’un règlement d’eau « fondé sur titre ». De quoi s’agit-il ?
Les droits d’eau des moulins
Sur les cours d’eau non domaniaux, les droits d’eau avaient été délivrés sous le régime féodal par la Couronne, principalement aux seigneurs et aux communautés ecclésiastiques, droits que la Révolution et la nuit du 4 août 1789 n’abolirent pas. Un droit fondé en titre est attaché à un ouvrage en particulier, et non à son propriétaire. Il concède de plein droit l’autorisation d’exploitation de l’ouvrage pour une période illimitée.
Comme ce n’est pas le cas du moulin neuf, il lui faut donc un « règlement d’eau » ou droit d’eau fondé sur titre. L’autorisation fixant les conditions de fonctionnement est délivrée par arrêté préfectoral. (3)
Or, un barrage a été édifié sur le Bélon, créant une chute d’eau pour entraîner la roue du moulin. Cette chaussée, dès sa construction, devient une source de conflits permanents entre les meuniers du Nézet et ceux de Kerseller, au sein même de la famille Le Pennec, puis avec ses successeurs, le couple Limbourg. La rivière en effet a tendance à déborder en amont, du fait de la retenue du nouveau moulin.
Tout avait pourtant été bien calculé, au millimètre près, lors de la pose des vannes...Mais ceci ne suffit pas et nuit à la fois au mouvement des roues du moulin de Nézet et au passage fréquent des voisins sur le petit pont dit Pont Roudou ou Roudic, du chemin nommé Hendal.
Aussi est-il décidé devant notaire de la pose d’un nouveau repère placé devant témoins à vis de la prairie de Prat er hoat et d’un gros chêne...Toutes les fois que l’eau dépassera la crête de cette pierre, les nouveaux meuniers lèveront les pelles pour faire écouler les eaux...
La famille Limbourg pourra, devant témoins, exiger cette manœuvre sous peine de condamnation des meuniers de Kerseller. (4)
Extrait de la section cadastrale C1, 1832
Est-ce que ces frictions ont provoqué le départ des meuniers de Kerseller ? En effet, à peine installé au Moulin neuf, le couple François Le Pennec et Marie-Jeanne Le Goaon s’en va, au bout de quelques années seulement, pour prendre le moulin du Plessis, puis celui du Quinquis, en Bannalec. Ils laissent la place en 1824 au frère de François, Pierre (1783-1847) et à son épouse Anne Le Cordonner (1785-1850), qui eux-mêmes quittent le moulin en 1833 pour prendre celui de Lescoat, en Riec.
Le moulin neuf ou moulin de Kerseller est situé en Moëlan depuis la Révolution. Cependant les enfants nés au moulin en 1822 et 1824 sont considérés par l’état civil comme nés à Baye...
Marie-Jeanne Le Goaon, (veuve de François Le Pennec), remariée au meunier Jean Audren (1803-1857) revient au moulin neuf en 1833 et succède donc à son beau-frère Pierre. En 1836, douze personnes vivent au moulin : la famille Audren-Le Goaon, leurs sept enfants dont un meunier, et un autre meunier, Louis Brot. Puis c’est une des filles de François Le Pennec, Marie-Véronique (1816-1893), mariée à François Le Doze (1814-1850), un meunier originaire de Quimperlé, qui font tourner le moulin, d’abord comme locataires, puis en tant que propriétaires. Ils achètent en effet le renable du moulin au couple Le Goaon-Audren le 13 janvier 1839 [1839-016].
N’étant propriétaires que d’une partie du moulin, ils achètent les autres parts à leurs oncles au cours d’une vente par licitation, en août 1846. Le couple contracte un emprunt auprès de Jacques Eon, frère de Mathurin, meunier au moulin du Duc.
Mais François Le Doze décède en 1850. Un inventaire est dressé en avril 1850, après son décès, dont le renable du moulin, estimé à 900 francs. Il est intéressant de noter que c’est le meunier du moulin Nézet, Alain Limbourg, qui a effectué la prisée et l’estimation des meubles. Il est vrai que son oncle alors décédé, Nicolas Limbourg (1804-1849), avait été marié à Marie-Anne Le Pennec (1811-1880), sœur de Marie-Véronique.
Des liens familiaux s’étaient donc noués entre les meuniers du Moulin Nézet et ceux de Moulin neuf malgré les litiges dus aux inondations.
Marie-Véronique se remarie en 1852 avec un autre François Le Doze (1829-1878). Le couple quitte le moulin et part habiter au bourg. Jacques Eon (1803-1875) devient propriétaire du moulin, mais il habite à Quimperlé où il est cabaretier et blatier et il fait tenir le moulin par Marie-Anne Le Pennec (1811-1880) et François Le Guillou (1801-1863). Marie-Anne est la dernière représentante de la famille Le Pennec au moulin neuf.
En effet, Jacques Eon vend pour 6100 francs le moulin en 1856 à François Le Maout (1823-1893), meunier, et sa femme Marie Suzanne Favennec (1831-1858). Devenu veuf en 1858, François se remarie avec Anne Le Pocher (1826-1882). Pendant quatre générations, la même famille de meuniers va vivre au moulin.
Trois enfants Le Maout naissent au moulin de Kerseller en 1862 (Marie-Anne), 1864 (Philomène) et 1869 (Pierre Marie). En 1885 le moulin devient la propriété de Marie-Anne Le Maout (1862-1911), marié au meunier Louis Couliou (1861-1899) [1885-218] [1899-240]. C’est alors un moulin assez important, dont la valeur aux impôts est de 150 francs, soit par exemple le triple de celui de Damany et du moulin Marion, la moitié de celui de Moulin mer. Jean-Louis Couliou nait en 1886.
En 1887 a lieu une vente de terrains à proximité, qui appartenaient au préalable à la famille Le Pennec. Philomène Le Maout (1864-1938) achète plusieurs parcelles. Sur l’une d’elles, située à Kermaria-Kerseller, elle fera construire une maison en 1908 tout en restant habiter au moulin avec sa sœur et ses neveux.
Jean Louis (1886-1955) s’est marié à Marie-Philomène Flécher (1889-1961) en 1911. Deux filles naissent au moulin, Fernande en 1912 et Juliette en 1913. Juliette se marie à Jean Gourlaouen. L’exploitation du moulin se fait en famille. Ainsi, en 1936 y habitent le couple Couliou-Flécher, la tante Philomène le Maout (1864-1938), les filles Fernande et Juliette, mariée à Jean Gourlaouen, et le petit-fils Jean Gourlaouen.
Juliette décède en 1949. En 1952 le moulin est vendu à Louis Morvan, médecin à Riec, qui va en faire une petite pisciculture. Le moulin a cessé son activité.
Après la vente du moulin, la famille Couliou s’installe à Kermaria-Kerseller, dans la maison que leur tante Philomène Le Maout avait fait construire en 1908. Fernande Couliou y décède en 1952, son père Jean-Louis en 1955.
La pisciculture est revendue très rapidement à Yves Le Reste (1899-1977) qui va procéder à des travaux d’extension et démolir le moulin. La retenue d’eau est transformée en bassins piscicoles. Une société propriétaire de plusieurs autres piscicultures dans la région rachètera ensuite celle de Moulin neuf pour en faire un moderne élevage de truites.
Yves Le Reste devant l'ancien moulin
« Moulin neuf » en 2018 |
En 2004, M. et Mme Le Goff rachètent la propriété, et font entreprendre des travaux de démolition des bassins pour créer un jardin. Il ne reste actuellement aucune trace des anciennes activités. Une grande demeure domine l’ancienne retenue d’eau, transformée en jardin au pied duquel coule paisiblement le Bélon.
En Baye avant la Révolution, puis en Moëlan, avec certaines hésitations de l’état-civil encore au début du XIXème siècle, les terres de « Moulin neuf Kerseller » dans un vallon très encaissé qu'une route pittoresque permettait d'atteindre il y a quelques année et d'apercevoir au passage le plus haut menhir de Moëlan (5), ne sont accessibles de nos jours que par un pont franchissant le Bélon, en prolongement d’un chemin venant de Riec. L’adresse postale mentionne d’ailleurs Riec et non Moëlan !
(1) Colliou-Guermeur, Marie-Claude, Terres et gens du Bélon 1789-1920, 2003, p.76
(2) Meuric-Philippon, Gabrielle, Moëlan en Cornouaille, 1975. P. 123
(3) http://www.riverainsdefrance.org/uploads/docs/Moulins_a_eau.pdf (consulté le 01 novembre 2020)
(4) Colliou-Guermeur, Marie-Claude, Terres et gens du Bélon 1789-1920, 2003, p.75
(5) Meuric-Philippon, Gabrielle, Moëlan en Cornouaille, 1975. P. 123
Année |
Propriétaires |
Meuniers |
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1819 |
Le Pennec François (1789-1830) (hoirs) | Le Pennec François (1789-1830) Le Goaon Marie-Jeanne (1790-1863) |
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1824 |
Le Pennec François (1789-1830) (hoirs) |
Le Pennec Pierre (1783-1847) Le Cordonner Anne (1785-1850) |
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1833 |
Le Pennec François (1789-1830) (hoirs) |
Le Goaon Marie-Jeanne (1790-1863) Audren Jean (1803-1857) |
|
1836 |
Le Goaon Marie-Jeanne 1790-1863) Audren Jean (1803-1857) |
Le Goaon Marie-Jeanne 1790-1863) Audren Jean (1803-1857) Brot Louis, meunier |
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1838 |
Le Goaon Marie-Jeanne 1790-1863) Audren Jean (1803-1857) |
Le Pennec Marie-Véronique (1816-1893) Le Doze Francois Marie (1) (1814-1850) |
|
1839 |
Le Pennec Marie-Véronique (1816-1893) Le Doze François Marie (1814-1850) |
1 020 fr | Le Pennec Marie-Véronique (1816-1893) Le Doze Francois Marie (1) (1814-1850) |
1846 |
Le Pennec Marie-Véronique (1816-1893) Le Doze François Marie (1814-1850) |
Le Pennec Marie-Véronique (1816-1893) Le Doze Francois Marie (1) (1814-1850) Gousse Charles, garçon-meunier |
|
1852 |
Le Pennec Marie-Véronique (1816-1893) Le Doze François Marie (1829-1878) |
Le Pennec Marie-Anne (1811-1880), (veuve Limbourg Nicolas) Le Guillou François (1801-1863) |
|
1855-1856 |
Eon Jacques (1803-1875) |
6 100 fr | Le Pennec Marie-Anne (1811-1880), (veuve Limbourg Nicolas) Le Guillou François (1801-1863) |
1856-1881 |
Le Maout François (1823-1893) Le Pocher Anne (1826-1882) |
Le Maout François (1823-1893) Le Pocher Anne (1826-1882) |
|
1885 |
Le Maout Marie-Anne (1862-1911) Couliou Louis (1861-1899) |
Couliou Louis (1861-1899) Le Maout Marie-Anne (1862-1911) |
|
1891 |
Le Maout Marie-Anne (1862-1911) Couliou Louis (1861-1899) |
Couliou Louis (1861-1899) Le Maout Marie-Anne (1862-1911) Le Maout Philomène (1864-1938) |
|
1896 |
Couliou Louis (1861-1899) Le Maout Marie-Anne (1862-1911) Le Maout Philomène (1864-1938) Souffez Jean-Marie, garçon-meunier |
||
1901 |
Le Maout Marie-Anne (1862-1911) veuve Couliou Le Maout Philomène (1864-1938) Le Pennec Roch, garçon-meunier |
||
1919-1952 [1919-350] |
Couliou Jean-Louis (1886-1955) | 18 000 fr | Couliou Jean-Louis (1886-1955) x Le Flécher Marie Philomène (1889-) Le Maout Philomène (1864-1938) Couliou Fernande (1912-1952) Couliou Juliette (1913-1949) x Gourlaouen Jean (), Le Goff Bertrand, garçon-meunier (en 1921) Guyader François, meunier (en 1926). |
1952 |
Morvan Louis | ||
1953 |
Le Reste Yves (1899-1977) |